35 Heures : pour le Medef, les heures sup’ c’est bien, l’annualisation c’est mieux




Davantage qu’une augmentation des heures sup’, ce que veut le patronat, c’est l’intensification des heures travaillées. L’annualisation peut le lui permettre, sans nécessairement accroître la durée moyenne du travail. C’est l’objectif de la loi concoctée par le gouvernement.

« Les 35 heures » : la bête noire du Medef et de la droite… Alternative libertaire a déjà expliqué il y a dix ans tout le mal qu’elle pensait de la loi Aubry et des opportunités qu’elle offrait au patronat en termes d’annualisation du temps de travail, d’intensification des rythmes et de baisse des salaires réels. Mais les projets affichés par le secrétaire général de l’UMP, Patrick Devedjian, réclamant le « démantèlement » des 35 heures, sont bien pires puisqu’il s’agit d’accentuer tout le versant profitable au patronat que contenaient les lois Aubry. Quand Sarkozy affirme « les 35 heures, on va les garder », il s’agit uniquement d’une autre façon de communiquer sur le même projet.

Le gouvernement et le patronat feignent de s’alarmer de la soi-disant catastrophe économique créée par la loi Aubry, qui aurait transformé les travailleuses et les travailleurs français en fainéants. Qu’en est-il en vérité ? Éric Heyer, directeur à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) expliquait le 22 mai dans le Monde que « la France a décidé, via les lois Aubry, de baisser la durée du travail en baissant le temps complet, alors que d’autres pays ont baissé le temps de travail en incitant à faire du temps partiel. Du coup, la France compte moins de salariés à temps partiel (17 % du total des salariés, contre 33 % en Allemagne et 46 % aux Pays-Bas). […] En moyenne, un salarié en France travaille 1 879 heures par an, soit seulement 30 heures de moins qu’au Royaume-Uni, et 7 % de plus qu’un salarié allemand, 17 % de plus qu’un salarié néerlandais. »

Plutôt l’intensification que l’allongement

Pour rallonger la durée du travail, le gouvernement Raffarin avait déjà autorisé en 2004 la négociation d’accords d’entreprises fixant le contingent annuel d’heures supplémentaires et la définition des taux de majoration. Or peu d’accords ont été signés, pour une raison simple : les entreprises n’atteignent déjà pas le contingent annuel légal de 220 heures sur l’année. Selon le ministère du Travail, en 2006, 21 % seulement des salarié-e-s ont réalisé des heures supplémentaires.

Il faut donc relativiser le danger d’allongement du temps de travail annuel. Le véritable objectif du patronat, c’est plutôt l’intensification des jours travaillés, au sein du temps de travail annualisé. Avoir des salarié-e-s qui travaillent par exemple 60 heures par semaine quand l’entreprise l’exige, et qui sont renvoyés à la maison en période creuse. Tout cela si possible sans payer un sou de plus, ou mieux en payant moins.De ce point de vue, les heures sup’ ne sont pas une solution optimale pour le patronat puisqu’elles ont un surcoût.

La loi présentée au gouvernement le 18 juin et adoptée par le Parlement en juillet est surtout centrée sur la négociation entreprise par entreprise. C’est une exigence constante du Medef qui sait que le rapport des forces y est plus favorable que dans les négociations de branche ou interprofessionnelles.

Cette loi rend extrêmement facile le recours à l’annualisation du temps de travail et aux « forfaits jours » qui suppriment toute limitation de la durée de travail. Bref, tout ce qu’il faut pour disposer de salarié-e-s taillables et corvéables à merci ... sans nécessairement augmenter la durée moyenne du temps de travail.

Boîte de Pandore

Demain, à la faveur de ces « accords » émiettés, les inégalités de temps et de rythme de travail vont se creuser entre les travailleuses et les travailleurs des grandes entreprises, mieux organisés, mieux armés pour défendre leurs droits, et ceux et celles des PME et TPE.

La CGT et la CFDT, en acceptant de cosigner avec le Medef un texte sur la représentativité (lire AL de mai et juin) qui, de façon incongrue, comportait un paragraphe ouvrant la voie à des négociations par entreprise sur le nombre annuel d’heures supplémentaires, ont ouvert la boîte de Pandore. Les bureaucraties syndicales comprendront-elles un jour qu’en « négociant » en dehors de toute dynamique de lutte sociale, on ne peut récolter que des fruits amers ?

Jacques Dubart (AL Lot-et-Garonne)

 
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