A Contre Courant : Quelques motifs d’espoir




Chaque mois, le mensuel Alternative libertaire reproduit l’édito de la revue alsacienne À Contre Courant, qui de son côté reproduit l’édito d’AL. Pour contacter ces camarades : ACC, BP 2123, 68060 Mulhouse Cedex.


En plein désarroi, ils ont été réduits à faire n’importe quoi un Président de la République a demandé de ne pas appliquer une loi au moment même où il en annonçait la promulgation, tandis qu’un gouvernement fut dessaisi des négociations avec les organisations syndicales au profit de l’appareil d’un parti. Montesquieu a dû se transformer en gyrophare dans sa tombe !... Mais laissons aux responsables politiques, syndicaux et médiatiques l’angoisse qui les a saisi devant pareille chienlit au sommet de l’Etat. Ne faut-il pas y voir d’abord des signes réjouissants, précurseurs d’une fragilisation d’un système plus vulnérable qu’on pouvait le craindre il y a encore quelques mois ?

S’ajoute un autre motif de satisfaction : la mobilisation contre feu le CPE a débouché sur la troisième défaite qu’encaisse la droite en France après celles des élections de 2004 et celle du référendum du 29 mai 2005 ; et il s’agit là, plus nettement encore que pour les consultations électorales, d’un rejet franc et massif de l’orientation néolibérale de la politique gouvernementale. Du coup, c’est également un avertissement adressé à l’ensemble de la « classe politique », toutes tendances confondues : on souhaite bien du plaisir aux futur(e)s candidat(e)s aux présidentielles qui feront campagne sur des thèmes néolibéraux. Avis aux éléphant(e)s du PS tenté(e)s d’entrer en lice !

« Victoire » ? Oui, mais elle a seulement consisté en l’obtention d’un rapport de forces suffisant pour faire reculer le pouvoir de manière visible, concrète et immédiate. Cela pourrait, certes, produire des effets considérables en favorisant la réapparition d’un imaginaire politique qui pourrait se (re)construire autour de la nécessité et de l’efficacité des luttes. Mais ce recul du pouvoir n’est pas une avancée en terme d’acquis sociaux nouveaux. Au contraire : la loi d’égalité des chance et le CNE sont toujours là ; les nombreux autres dispositifs de précarisation aussi ; les menaces de nouvelles régressions dans ce domaine également. Parisot vient de siffler les bureaucraties syndicales qui accourent. Pour négocier quoi, sinon des remises en cause du Code du travail sacrifié sur l’autel de la concurrence et des profits, toujours et encore à maximiser ?

Les bureaucrates ont sablé le champagne, paraît-il. On comprend leur soulagement de n’avoir pas été désarçonnés par une monture qu’une impétueuse jeunesse a galvanisée. Les lycéens et les étudiants engagés n’ont pas pu ou n’ont pas su placer à temps le mouvement sur la voie d’une lutte contre toute précarité. Si bien que la revendication dominante du seul retrait du CPE, étriquée dans son objectif, a fourni aux bureaucrates les moyens de pousser la monture vers les écuries libérales et de l’y enfermer, du moins pour le moment...

Car l’espoir le plus sérieux que l’on puisse nourrir, c’est que le mouvement social se souvienne prochainement de la belle efficacité de l’action et de la démocratie directe, de celle d’une auto-organisation bien coordonnée et d’une détermination sans faille où le harcèlement des autorités ne cesse pas. Par contraste, en retrouvant des méthodes qui avaient été oubliées, la jeunesse aura mis en évidence la désespérante médiocrité de la stratégie des organisations syndicales traditionnelles qui, pendant près de trois décennies, nous ont conduits d’échec en échec.

 
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