Contre les violences commises par les hommes




Bientôt le 25 novembre, annuelle journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Manifestations, annonces de mesures superficielles, statistiques déprimantes et... c’est tout. Et si on parlait des violences commises par les hommes pour chercher de vraies solutions ?

Le 25 novembre, il y aura des manifestations contre les violences faites aux femmes un peu partout en France, renseignez-vous. Des slogans y affirmeront que les violences faites aux femmes sont insupportables, qu’il faut d’autres lois. Le gouvernement rajoutera peut-être une mesure de sensibilisation, voire une cellule de suivi, aux dispositifs existants. Certaines afficheront leur solidarité « Femme, quand tu entends une femme crier, ne la laisse pas seule, solidarité », d’autres leur ras-le-bol « Violées, battues, harcelées, les femmes en ont assez », certaines feront le lien avec le capitalisme « De l’argent contre les violences, pas pour le monde de la finance ». Des années de manifestations, de lobbying et de pétitions réclamant une loi cadre contre les violences ont abouti en 2010 à une loi renforçant la protection des victimes, très en dessous des revendications.


Cet article tiré du dossier spécial d’Alternative libertaire de novembre 2016 s’inscrit dans le cadre de la campagne d’AL contre les violences faites aux femmes.


Les violences faites aux femmes – physiques et psychologiques – sont innombrables et touchent tous les domaines de leur vie, tous les lieux où elles circulent, toutes sont concernées quel que soit leur âge et leur condition sociale. Elles partagent une caractéristique : leur nombre ne baisse pas, dans les statistiques, il augmente même grâce à un meilleur enregistrement des faits par la police et les associations.

Des agressions multidimensionnelles

Une première dimension est le lieu où elles se produisent : travail, couple, famille, groupe d’ami-e-s, lieux d’étude, rue et transports en commun, lieux de soin, institutions telles que la police, la justice... Une deuxième dimension est leur type : coups, violences sexuelles, viols, viols achetés, harcèlement sexuel ou moral, maltraitance médicale, déni de justice, autres violences psychologiques... Une troisième dimension rend compte des violences exercées spécifiquement (et en plus) en fonction des caractéristiques des femmes concernées : femmes racisées, femmes handicapées, femmes grosses, femmes âgées, lesbiennes...

Lutter contre les violences faites aux femmes se présente donc comme une multitude de combats menés par une multitude d’intervenantes et intervenants. Il y a des associations de femmes ou féministes spécialisées dont, par exemple (et de façon largement non exhaustive) l’AVFT (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail), la Fédération nationale solidarité femmes qui regroupe les associations de lutte contre les violences conjugales, le Collectif féministe contre le viol, l’association Femmes pour le dire, femmes pour agir qui défend les droits des femmes handicapées, Maman toutes égales pour la défense des musulmanes discriminées, les collectifs généralistes qui luttent aussi contre les violences faites aux femmes : Marche mondiale des femmes, Collectif national pour les droits des femmes… et tant d’autres, petits ou grands collectifs, plus ou moins radicaux, plus ou moins réformistes, qui font de leur mieux mais ne réussiront jamais à vider la mer avec leurs petites cuillères.

Et puis il y a les mesures gouvernementales. Dans son tout récent « Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles » du 5 octobre, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes préconise en premier lieu une campagne de sensibilisation, comme celle faite contre le harcèlement dans les transports. Il préconise aussi la formation des professionnel-le-s (comme d’habitude), l’accompagnement des victimes (comme d’habitude), une modification du traitement judiciaire consistant à… préciser les définitions des conditions du viol, et aussi à rallonger le délai de prescription et veiller à ce que le viol soit jugé comme crime. Attendons le plan.

Il y a un « plan de lutte contre les violences faites aux femmes » avec hébergements, numéro d’urgence, téléphone grand danger, formation d’intervenantes et intervenants chez les flics... ce qui ne ressemble pas du tout à un plan de lutte contre, mais à un plan de tentative de réduction des conséquences.

Il y a aussi un « plan de lutte contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun », avec, outre la sensibilisation, des outils d’alerte téléphonique et numérique (sûrement une nouvelle application pour smartphones), un travail de suivi, des personnels mieux formés (mais pas plus nombreux), plus de femmes parmi le personnel. Formation, sensibilisation, écoute des victimes. Comme d’habitude.

Des mesures sans aucune efficacité préventive

Existe également « la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains » qui « rassemble, analyse et diffuse les informations », elle « évalue les dispositifs » et aussi définit « un plan de sensibilisation et de formation des professionnels sur les violences faites aux femmes ». Sensibilisation et formation, comme d’habitude.

Les mesures de sensibilisation et formation permettent la détection des violences et l’accueil des victimes mais n’ont aucune efficacité préventive.

Bien sûr les sanctions existent dans la loi pour certaines violences, mais… mais sur les plus de 80 000 viols annuels (estimation) seuls 10 % font l’objet d’une plainte, et 10 % des plaintes aboutissent à une condamnation. Les récits des démêlées des femmes avec la police et la justice donnent les explications : c’est toujours la responsabilité de la victime qui est étudiée. Et le viol continue à être décriminalisé pour n’être traité que comme un délit.

Les meurtres de femmes qui ont déjà porté plainte pour violences conjugales et n’ont pas été protégées existent.

Quant au harcèlement sexuel, il est tout à fait toléré par le pouvoir. Les députés viennent de voter contre la sanction d’inéligibilité. Le harcèlement n’est en général pas pris au sérieux et donne lieu à des plaisanteries grivoises.

Les attaques contre les femmes racisées sont encouragées par le racisme d’État, le mépris envers les handicapées ou les grosses ne fait l’objet ni d’indignation ni de campagne de sensibilisation, et l’homophobie semble ne concerner que les hommes.

La conscience des violences faites aux femmes est faible, la répression est faible, la tolérance sociétale est grande. Aucune raison que les faits diminuent.

Abattre le patriarcat

Il faut peut-être cesser de parles de violences faites aux femmes et parler de violences commises par les hommes sur les femmes. Plusieurs causes s’entremêlent : les hommes sont les humains qui commettent la majorité des violences (y compris contre d’autres hommes), les hommes violentent les femmes, les femmes n’ont pas d’organisation collective de défense.

Le plan réellement efficace contre les violences est simple.

D’abord, il faut faire en sorte que les hommes ne soient pas plus agressifs et violents que les femmes. Les recettes sont connues, puisqu’elles sont appliquées aux femmes : éducation qui encourage à la douceur et à la patience, vêtements qui entravent pour limiter le développement physique, promotion du patinage artistique plus que du foot, encouragement aux activités manuelles d’intérieur et non compétitives…

L’éducation doit limiter l’agressivité et la violence autorisées aux hommes, et augmenter celles autorisées aux femmes. Le but doit être de permettre une cohabitation harmonieuse d’humains et humaines dont les différences de comportement ne résultent que des goûts et aptitudes individuelles et pas des apprentissages imposés par le sexe déclaré.

Ensuite, il faut que les hommes qui échapperaient à l’éducation à la douceur ne se sentent plus autorisés à brutaliser les femmes. Ce qui suppose une réelle éducation à l’égalité qui n’est pas du tout faite dans le système scolaire et l’arrêt de l’incitation à faire des fillettes et jeunes filles des objets sexuels plutôt que des êtres pensants et agissants. D’autres mesures de bon sens s’imposent, par exemple : interdiction de la mise en scène de femmes dans la publicité, classement X des films qui ne satisfont pas au test de Bechdel [1], interdiction de tous les produits commerciaux destinés à transformer les fillettes en objets sexuels tels que les soutiens-gorges rembourrés pour fillettes de 8 ans.

En résumé, il faut abattre le patriarcat.

Mais ça ne se fera pas tout de suite. En attendant, la répression des violences doit être réelle. La répression n’est pas forcément un rêve libertaire, mais nous ne vivons pas dans un système libertaire. Les hommes qui cognent leurs partenaires doivent être réellement punis et les lobbys masculinistes doivent être contrés dans leurs tentatives d’imposer la conservation des liens aux mères victimes de violences. Les hommes qui harcèlent doivent être punis aussi, et les ricaneurs et autres soutiens poursuivis pour incitation. Aucune violence ne doit être classée.

La capacité des femmes à se défendre individuellement et collectivement peut être renforcée. Les fillettes doivent être encouragées à apprendre un sport de défense. La solidarité des femmes fera reculer les agresseurs. La peur va changer de camp !

Christine (AL Orne)

[1Un film réussit le test de Bechdel si il y a au moins deux personnages féminins qui ont un nom, si elles parlent ensemble et d’autre chose que d’un personnage masculin.

 
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