Autoroute Lyon-Saint-Étienne : La voiture fossoyeuse des paysans




L’élection de Laurent Wauquiez en 2015 à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes a nettement accéléré le projet de « nouvelle autoroute » A45. Le projet est aujourd’hui suspendu à la signature ou non du décret de concession par le gouvernement. Et la résistance est à un moment charnière.

La problématique des transports est centrale dans la région métropolitaine de Lyon, carrefour de flux entre le nord et le sud de l’Europe. La ligne de chemin de fer y est la plus fréquentée de province. Le projet d’A45 dont on parle aujourd’hui est une idée ancienne, déclarée d’utilité publique dans les années 1960 (on lui préférera l’A47, alors en cours d’achèvement), puis de nouveau en 2008. En 2015 avec l’élection de Laurent Wauquiez à la présidence de la région Auvergne-Rhône-Alpes, le calendrier s’accélère.

Depuis, le plan de financement est adopté, le concessionnaire choisi, et le décret validant la concession à Vinci signé par le Conseil d’État. Une dernière signature du gouvernement permettrait de lancer les expropriations. Mais le projet rencontre une opposition déterminée, et pour cause, il est estimé à 1,2 milliard d’euros, financés aux deux tiers sur deniers publics (Région, département de la Loire et Saint-Étienne Métropole), le tout pour une autoroute payante parallèle à une gratuite !

La croissance comme alibi

L’argument sur ce point est que l’axe Lyon-Saint-Étienne est saturé par endroits et, selon les aménageurs, cela ferait obstacle au développement de Saint-Étienne. Mais cet argument relève d’une vision court-termiste. En effet, d’une part l’A45 déboucherait sur un échangeur quotidiennement embouteillé (entre l’A450 et l’A7), et d’autre part, même une fois l’échangeur modifié, l’amélioration – bien réelle – n’aurait qu’un temps, et cela parce qu’un problème de fond subsiste : le fret commercial via le train décline lorsque la route, moins chère, est dégagée, et à terme donc, tant que certaines conditions globales ne sont pas changées, le risque de saturation menacera cet axe.

Il faut voir que le projet d’autoroute n’est pas isolé. La métropole lyonnaise, qui englobe Saint-Étienne, a besoin de construire l’A45 pour déclasser l’A6 et l’A7 en centre-ville de Lyon et les transformer en boulevards urbains, au trafic fluide.

Dans cette optique, l’A45 est aussi complémentaire du contournement ouest de Lyon et du doublement de la RN88 qui constituerai un axe Lyon-Toulouse. Projets qui sont par ailleurs repoussés vers des temps lointains ou même abandonnés, ce qui interroge sur la pertinence de l’A45 seule, surtout sur la question de l’encombrement de l’A6/A7 débouché de l’A45. À ce niveau d’analyse, Saint-Étienne deviendrait la porte d’entrée ouest de la grande métropole et bénéficierait économiquement de cette situation stratégique. Mais là encore le bât blesse : la construction d’une autoroute accélère les tendances préexistantes si rien n’est fait. En effet, la zone la plus dynamique de l’agglomération stéphanoise se situe au nord-ouest de la ville, à un saut de puce de l’arrivée de l’A45. CQFD !

Sans entrer dans la logique des aménageurs, nous constatons que les arguments en faveur de l’A45 sont de toutes façons fallacieux : l’engorgement de l’A47 est dû à l’étalement urbain le long de l’axe, et à des décennies de politiques favorables au transport routier plutôt qu’au fret ferroviaire, à la voiture individuelle plutôt qu’aux transports en commun. S’il est souhaitable de soutenir des alternatives au modèle du tout-routier et de son corollaire, l’extension urbaine pavillonnaire, la réalité est beaucoup plus complexe.

La solution à l’engorgement, qui découle de choix plus larges, reste à inventer, et elle doit passer par divers leviers comme la densification des zones pavillonnaires ou encore la relocalisation des emplois et des logements. Ce qui reviendrait à faire un réel travail sur le cadre de vie dans la vallée et dans l’agglomération stéphanoise, auquel pourrait s’ajouter la mise en place d’isolations phoniques, absentes le long de l’A47.

Pour finir, les principales nuisances de l’A45 concernent les terres agricoles, puisqu’une zone d’approvisionnement privilégiée aux portes de Lyon et de Saint-Étienne, où tous les types de productions sont présents, est directement menacée. Ce sont ainsi près de 500 hectares et 375 exploitations qui sont concernés voire seront amputés directement par le projet. Elle fait aussi planer une menace sur les arboriculteurs et arboricultrices des coteaux du Jarez, pour lesquel.les les compensations seraient quasi impossibles. D’autres, situé.es en bordure de l’A45, connaîtront des difficultés pour trouver des débouchés du fait de pollutions induites. Une autre question sous-tendue est la déstructuration de nombreux réseaux de vente directe présents aux alentours.

À cela s’ajoute un risque de mitage induit par la demande croissante de logements et de zones d’activités notamment sur le plateau de Mornant. Même s’il est encadré dans cette zone, le mitage même minime à l’échelle d’une commune peut représenter des surfaces importantes à l’échelle de tout un territoire.

Il s’agit donc de faire monter la pression pour éviter un saccage des territoires et une gabegie financière. L’opposition s’organise autour d’une coordination d’associations fraichement créée. Dans cette structure se mêlent des associations « historiques » de riverains telles Sauvegarde des Coteaux du Jarez et du Lyonnais, Sauvegarde Rhône Gier, d’élu.es, environnementales (FRAPNA, LPO...), de paysans et paysannes, d’autres politiques (Attac, Alternatiba 69) et d’assemblées/collectifs de luttes. C’est au sein de la coordination qu’est née l’idée de faire un festival des opposantes et opposants et une marche au plus près du tracé qui ont constitué les temps forts de cette année de lutte. Le bilan de ces événements est plutôt positif, ils ont permis de médiatiser la lutte et surtout de mettre en avant la force de l’opposition. Ce sont près de 8 000 personnes qui y sont passées. À nous libertaires de nous saisir de la question des transports qui est cruciale dans la vie d’une société.

Elisée (AL Tarn)

 
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