Black Bloc : Ne pas tout mélanger




Comme une impression de déjà-vu... Après la manifestation du 22 février à Notre-Dame-des-Landes, le black bloc a provoqué un nouveau buzz médiatique. Nous republions ici un article paru sur la question après le contre-sommet de l’Otan, à Strasbourg, en 2009. Loin du tintamarre politicien, apprécions à sa juste mesure l’impact et les limites de ce mode d’action, et rappelons quelques principes de base de la solidarité face à la répression.

Comme à Gênes en 2001, le black bloc a fait le buzz médiatique du contre-sommet de l’Otan à Strasbourg. La presse a écrit tout et n’importe quoi à ce sujet, aussi faut-il donner quelques points de repère.

En premier lieu, le black bloc n’est pas un courant politique : c’est un mode d’action. Si beaucoup des gens qui s’y retrouvent se revendiquent de l’anarchisme, on y trouve aussi des léninistes de diverses obédiences, ou tout simplement des gens qui veulent en découdre avec la police, sans projet social plus précis. Le black bloc est avant tout né d’une pratique, celle de la mouvance squatter et autonome allemande des années 1980.

Le concept de départ est simple : pour mener au mieux les combats de rue contre l’extrême droite ou la police, il faut former un bloc (solidarité) où chacun est habillé en noir et masqué (anonymat). Comme souvent, la pratique a précédé la théorie, et n’a rencontré qu’a posteriori une philosophie produite parallèlement, comme notamment la fameuse (et fumeuse) Zone autonome temporaire d’Hakim Bey, publié aux États-Unis en 1991. Certains ont également vu dans le black bloc une tactique révolutionnaire, réactivant la vieille conception émeutière de la révolution (l’enchaînement émeute-insurrection-révolution).

Une conception émeutière de la révolution

En réalité, cette violence a-t-elle une valeur révolutionnaire ? En soi, non. Elle est un épiphénomène. Elle peut accompagner, mais nullement se substituer à l’affrontement central avec le capitalisme qui, lui, se joue dans la sphère économique : grèves, occupations, séquestrations de PDG, etc.

La seule chose capable de paralyser l’État et le capitalisme, c’est un mouvement de grève générale avec occupation et réquisition des moyens de production. C’est la conception « grève-généraliste »
de la révolution à laquelle adhère par exemple Alternative libertaire
et que, jusqu’à présent, aucune conception nouvelle n’a supplanté.

La diversité des tactiques

Dès lors que l’on a conscience de cela, on peut ramener la violence de rue lors des contre-sommets à sa juste valeur : symbolique et spectaculaire. De fait, les médias parlent plus volontiers des actions radicales que d’une manifestation pacifique de 30.000 personnes. Et rien que pour cela, elles se justifient.

L’enjeu crucial, pour ne pas que ces actions radicales tournent au spectacle rituel, est qu’elles ne soient pas politiquement déconnectées de la manifestation de masse. L’État cherche à opposer les « bons » et les « mauvais » manifestants. Des deux côtés, certains tombent dans le panneau. Il faut au contraire maintenir la solidarité entre l’action radicale et la protestation de masse pacifique. Il doit y avoir de la place pour tout le monde. Mais il faut que les « pacifiques » restent solidaires des « radicaux » face à la répression et vice-versa.

C’est jouable, à condition de respecter quelques principes de base et, en premier lieu, celui de la « diversité des tactiques », qui s’est imposé notamment après le contre-sommet de la ZLÉA à Québec et à Prague en 2001. Que les personnes prêtes à en découdre se regroupent pour passer à l’action à un endroit différent de la manifestation pacifique. De cette façon, les « pacifiques » ne se sentent pas pris en otage par les « radicaux » et sont plus solidaires.

Évidemment, il peut toujours arriver que certains se planquent cagoulés dans les cortèges pacifiques pour canarder la police. C’est soit de la maladresse, soit de l’instrumentalisation cynique, soit une provocation policière. À Strasbourg en l’occurrence, l’importance du bouclage policier interdisait toute diversité et c’est l’ensemble de la manifestation, black bloc et « pacifiques » qui se sont retrouvés coincés dans une souricière où ils ont dû subir l’assaut des forces de répression.

Des camarades d’AL (Montpellier, Alsace, Paris, Bordeaux,
Rouen, Orléans, Reims) présent-e-s
à Strasbourg

 
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