CGT : Discrètes manœuvres au plan international




Cacherait-on des choses aux militant(e)s CGT ? Alternative libertaire jette un coup de projecteur sur les ambitions de l’actuelle direction confédérale dans la recomposition à l’œuvre dans le syndicalisme mondial.

Depuis 1994, et son départ de la Fédération syndicale mondiale (FSM, internationale des syndicats historiquement dans l’orbite soviétique), la CGT est orpheline sur le plan international. Certes l’adhésion à la Confédération européenne des syndicats (CES) en 1999 a inscrit la CGT dans le syndicalisme d’accompagnement social au plan continental européen. Elle ne s’est cependant pas doublée d’une affiliation internationale allant au-delà du continent européen.

Le syndicalisme international, rappelons-le, est divisé en trois grands courants dont les frontières apparaissent de plus en plus floues :

 La Fédération syndicale mondiale (FSM) créée en 1945 est restée longtemps sous contrôle soviétique. Moribonde dans les années 90 et au début des années 2000, la FSM réapparaît depuis quelques années à la faveur des mouvements altermondialistes tout en restant prisonnière de contradictions importantes. Idéologiquement elle affiche sa préférence pour un syndicalisme de lutte, indépendant des institutions nationales et internationales, du patronat et de la culture de négociation. Mais dans le même temps elle compte parmi ses membres des syndicats uniques directement intégrés aux rouages de leurs États (les syndicats cubain, syrien, ou vietnamien par exemple) et prenant leur part dans l’exploitation capitaliste.
 La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a été créée en 1949 en réaction au passage de la FSM sous contrôle de l’URSS. Fortement soutenue par les États-Unis pendant de nombreuses années, instrumentalisée par les objectifs géostratégiques du "monde libre" pendant la guerre froide, la CISL s’est longtemps empêtrée dans le face à face idéologique avec la FSM. Regroupant un grand nombre d’organisations familières de la cogestion dans leurs cadres nationaux respectifs, la CISL a joué et joue encore le rôle d’interlocuteur privilégié des institutions internationales et du patronat mondial. Ses représentants pullulent dans les couloirs du Bureau international du travail et de l’Organisation internationale du travail à Genève.
 La Confédération mondiale du travail (CMT) a été créée en 1968 suite au changement d’appellation de la Confédération internationale des syndicats chrétiens (CISC) fondée en 1920. Elle fut dans les années 1920-30 en concurrence avec les autres internationales syndicales : la Fédération syndicale internationale, sociale-démocrate, créée en 1901 et ancêtre de la CISL ; l’Internationale syndicale rouge (ISR ou Profintern), fondée par les communistes à Moscou en 1921 ; l’Association internationale des travailleurs (AIT, anarcho-syndicaliste) fondée à Berlin en 1922. Elle est aujourd’hui essentiellement présente sur le continent latino-américain et, dans une moindre mesure, en Afrique noire.

La CGT joue la carte CISL

La CISL et la CMT sont actuellement engagées dans un processus de fusion devant déboucher sur la création, à l’horizon 2007, d’une nouvelle internationale syndicale. Dans cette perspective, l’une comme l’autre se sont lancées dans une chasse à l’affiliation des centrales n’appartenant encore à aucune internationale. Le terrain de chasse est vaste et l’enjeu de taille puisque près de la moitié des organisations syndicales dans le monde sont libres de toute affiliation internationale [1]. Dans ces manœuvres d’appareil, la CGT a fait son choix : ce sera la CISL. Elle s’efforce d’ailleurs de jouer le jeu de locomotive, en entraînant dans son sillage les syndicats africains de l’ex-réseau FSM, voire quelques membres de l’actuelle FSM. Ces voix, apportées en dot à la CISL avant le congrès décisif de fusion permettront sans doute à la CGT d’obtenir quelques strapontins, ou à tout le moins la reconnaissance des dirigeants de la CISL.

Or ce processus de fusion, avec une participation active de la CGT qui laisse peu de doutes sur son adhésion à terme, s’opère dans un silence orchestré par la direction confédérale. Une diplomatie de l’ombre s’active depuis plus d’un an, mais son travail n’est pas mentionné dans le rapport d’activité présenté aux congressistes. Une simple ligne rappelle le vote de la commission exécutive confédérale du 17 juin 2004, autorisant la CGT à « s’associer au processus de réflexion engagée par la CISL et la CMT ». Il faut dire que le Traité constitutionnel européen n’occupe quant à lui qu’une page du même rapport, sans mesure avec l’onde de choc qui a traversé la CGT au moment de la campagne référendaire, cette dernière ayant aggravé la fracture entre la direction de la centrale et ses adhérent(e)s.

Le document d’orientation soumis aux délégué(e)s est certes plus disert dans l’exposé de lieux communs sur la mondialisation [2], mais guère plus clair, puisque les militant(e)s n’auront pas à se prononcer sur l’adhésion - comme ce fut le cas pour l’adhésion à la CES lors du congrès de Strasbourg en 1999 -, alors même qu’elle devrait avoir lieu cette année, ou au début de l’année prochaine. Pourtant, il y aurait de quoi débattre sur cette future internationale qui fixe parmi ses « principes de base » l’action « pour une nouvelle gouvernance de la mondialisation afin de la plier à l’objectif d’un ordre économique et social plus juste, par la réforme, la démocratisation et la cohérence dans l’action des institutions multilatérales » [3]. Une forme d’appel à la cogestion de la mondialisation par l’OMC, la Banque mondiale, l’OIT, les multinationales et la future internationale syndicale réunies.

Mais les délégué(e)s n’auront pas à subir l’épreuve d’un débat sur ces questions et c’est sans vote et donc sans mandat que la CGT se retrouvera membre d’une nouvelle internationale avant son 49e congrès. L’internationale est sans doute chose trop sérieuse, dans l’esprit des dirigeant(e)s confédéraux cégétistes, pour la laisser aux internationalistes.

La commission journal

[1La CMT a par exemple récemment pu engranger l’adhésion de la centrale unique de Libye dont les voix pèseront leur poids au moment du congrès de fusion.

[2Pages 11 et 12 du Peuple n°1629, présentant le document d’orientation, 18 janvier 2006.

[3« Principes de base pour une nouvelle organisation internationale », annexe à la résolution n°1 (Partie III) du 18e congrès de la CISL.

 
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