Caricatures de Mahomet : Entre racisme et obscurantisme




Les caricatures de Mahomet font couler beaucoup d’encre. Derrière la polémique, les faits. Racisme ou liberté d’expression en danger ? Alors que la polémique fait rage, il est nécessaire d’être lucides et de prendre clairement position.

Les caricatures de Mahomet parues dans un quotidien de droite extrême danois ne doivent abuser personne. Elles ne doivent rien au combat antireligieux et à une volonté sincère de s’en prendre à l’obscurantisme. Elles véhiculent des messages ambigus pour certaines, ouvertement racistes pour d’autres comme celle montrant Mahomet avec une bombe dans son turban. Comprenez, “les musulmans sont des terroristes”. Le message est de ce point de vue très clair.

Xénophobie ou liberté d’expression en danger ?

Ce même journal se refuse à publier des caricatures qui s’en prendraient à l’Église catholique. Dans ces conditions, celles et ceux qui ont choisi de publier ces dessins au nom de la liberté d’expression se fourvoient car le racisme constitue une opinion criminelle.

Si nous sommes révolté(e)s par ce type de provocation raciste qui fait le jeu de ceux qui jouent la carte de la « guerre des civilisations », nous ne sommes pas dupes pour autant des volontés d’instrumentalisation de cette colère par les fondamentalistes religieux et les militant(e)s se réclamant d’un islam politique radical. Ainsi, cette polémique arrive à point nommé pour les États qui s’efforcent de récupérer pour leur propre compte la colère de la rue qu’ils encouragent, voire mettent en scène.

L’État syrien peut ainsi se dégager des pressions qui pèsent sur lui dans l’affaire de l’assassinat du politicien libanais Hariri. Le pouvoir iranien se voit conforté dans sa stratégie de fermeté face aux grandes puissances occidentales dans le dossier du nucléaire et en profite pour attiser la haine en donnant une fois de plus dans la surenchère antisémite. En Palestine, on a vu des organisations liées au Fatah, grand perdant des élections générales, prendre la tête des mobilisations de rue et des actions contre les officines occidentales, afin d’en faire un tremplin pour la reconquête du pouvoir à présent dans les mains du Hamas.

En 1989, lors de la sortie des Versets sataniques de Salman Rushdie, le pouvoir iranien avait pris l’initiative de développer une vague de protestation et d’intolérance, à un moment où ses armées étaient en grande difficulté dans la guerre qui l’opposait à l’Irak. Dans plusieurs pays, ces manifestations ont également servi de prétexte pour stigmatiser plus largement la liberté d’expression. En France, les organisations de gauche n’ont pas toutes clairement pris position dans cette affaire. Charlie Hebdo s’efforce de prendre la tête du combat en faveur de la liberté d’expression sans nier le caractère raciste de certaines des caricatures, mais en le relativisant. L’hebdo satirique a réussi à faire exploser ses ventes, mais la lucidité politique n’a pas pour autant gagné dans cette affaire.

Cette affaire est également révélatrice des tensions au sein du Conseil consultatif du culte musulman et de la lutte pour le pouvoir engagée entre l’Union des organisations islamiques de France (UOIF, proche des Frères musulmans) et des courants dits plus modérés. Pour nous, libertaires, les choses sont claires. Nous ne tomberons pas dans le panneau qui consiste à confondre une expression visant à soi-disant s’en prendre à une religion pour en fait répandre la haine contre une partie des immigré(e)s.

Ne pas se tromper de colère et de combat

Le combat contre les religions, instruments de pouvoir, toutes porteuses de superstitions, de mythes, d’obscurantisme, de messages sexistes et homophobes, de collaboration de classe est plus que jamais nécessaire. Et il est d’actualité. De même, le combat pour la liberté d’expression est pour nous un combat majeur, nous nous efforçons de le faire vivre en publiant une presse et des ouvrages engagés clairement contre l’oppression capitaliste et pour le communisme libertaire et sommes toujours prêt(e)s à défendre chèrement cette liberté.

Cette liberté d’expression est concrètement menacée en France comme ailleurs par des pouvoirs de plus en plus répressifs envers les grèves, les mouvements sociaux et les militant(e)s engagé(e)s dans une lutte quotidienne contre une politique de plus en plus raciste et réactionnaire qui dessine les contours d’un pouvoir de plus en plus autoritaire. Il ne faut pas se tromper de colère, ni de combat.

L. E.

 
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