Chiapas : Une candidate indigène à la présidentielle de 2018 ?




Le Congrès national indigène devrait présenter une femme indigène candidate à la présidentielle mexicaine de l’année prochaine. Un défi lancé à la société patriarcale et raciste.

Du 9 au 14 octobre 2016 s’est tenu au Chiapas le cinquième Congrès national indigène (CNI) [1], qui a pris la décision d’entrer dans un processus de désignation d’une femme candidate indigène à l’élection présidentielle de 2018. Cette candidature devra porter la parole d’un Conseil indigène de gouvernement dont les membres seront désigné.es par les organisations appartenant au CNI. Cette décision du CNI a fait beaucoup parler. Les zapatistes abandonneraient-ils l’autonomie pour la course institutionnelle au pouvoir ?

Le sous-commandant Galeano

Le 23 janvier 2017, l’EZLN, par la plume du sous-commandant Galeano (ex-Marcos) et du sous-commandant Moises, publiait une longue explication soulignant que la candidate ne sera pas une candidate « zapatiste », et encore moins « de l’EZLN », mais bien une candidate du Congrès national indigène (même s’ils précisent que c’est bien l’EZLN qui a proposé cette idée au CNI).

Pourquoi le CNI a-t-il accepté de se lancer dans ce processus ? Une vidéo mise en ligne par le CNI pour expliquer ce processus donne un élément de réponse. Un délégué dit bien : « Le CNI est devenu le mur des lamentations. » On peut penser que le CNI entrait dans une routine délétère, et qu’il fallait relancer la dynamique par une initiative forte.

En 2006, les zapatistes s’étaient déjà mobilisé.es dans le contexte d’une campagne présidentielle. Mais il s’agissait alors de construire une « autre campagne », en allant à la rencontre de toutes celles et ceux « en bas à gauche » à travers le pays, en refusant farouchement toute tentative de récupération politicienne, notamment par le Parti de la révolution démocratique (PRD). On était donc loin d’une candidature soutenue par les zapatistes. Et dans les faits, c’est loin du pouvoir ­d’État que s’est construite l’autonomie zapatiste. À partir de 2001 et de la réforme constitutionnelle en matière indigène, qui trahit en tous points les accords de San Andrès, signés en janvier 1996 et dont ils et elles n’avaient de cesse d’exiger l’application, les zapatistes déçu.es se sont engagé.es dans la construction d’une autonomie réelle, où l’éducation, la santé la justice, l’organisation des communautés ne dépend que d’eux et elles-mêmes.

Est-ce que cette candidature est un renoncement aux principes zapatistes ? Les compas de la Sexta [2] présents aux travaux du congrès comme observateurs ont semble-t-il pris les propositions des délégué.es zapatistes avec circonspection. Dans les milieux de soutiens internationaux au mouvement zapatiste, les critiques sur le fait que les zapatistes joueraient le jeu institutionnel vont bon train. Rappelons simplement certains éléments sur le processus en cours. D’une part, le CNI, conformément à ses statuts, n’a pas pris de décision, mais a fait une proposition qui est actuellement mise en débat dans les communautés représentées. D’autre part, dans la proposition initiale des zapatistes, il n’y a aucune illusion sur les débouchés institutionnels : ils et elles rappellent qu’ils n’ont aucune chance de gagner, et que même s’ils et elles gagnaient, on ne les laisserait pas prendre le pouvoir. Ils considèrent que cette candidature est à la fois une tribune et un levier de remobilisation pour les « nombreux en-bas qu’il y a dans le Mexique et dans le monde ». Enfin, la proposition, sur laquelle insistent les zapatistes, que ce soit bien une femme indigène candidate, est bien une forme de défi lancé à la société patriarcale et raciste mexicaine.

Nous en saurons plus sous peu, le CNI ayant annoncé l’aboutissement du processus de consultation au 26 mai. En attendant, et en ayant en tête que le contexte actuel au Mexique est d’une violence inouïe, gardons-nous de tout jugement hâtif sur le processus.

Le CNI a été fondé à l’appel de l’EZLN en janvier 1996, dans le cadre des négociations qui ont débouché sur les accords de San Andrès, signés peu après. L’EZLN estimait n’avoir pas la légitimité de parler au nom de tous les peuples indigènes, d’où la constitution du CNI dans ce contexte. La Sexta est le diminutif de la « sixième déclaration de la forêt de Lacandone », lancée par les zapatistes en 2012, et à laquelle ont adhéré nombre d’organisations.


Voir l’article « L’EZLN et la VIe déclaration de la forêt Lacandone » paru dans le Journal de septembre 2005


Gyula (AL 93-centre)

[1Le CNI a été fondé à l’appel de l’EZLN en janvier 1996, dans le cadre des négociations qui ont débouché sur les accords de San Andrès, signés peu après. L’EZLN estimait n’avoir pas la légitimité de parler au nom de tous les peuples indigènes, d’où la constitution du CNI dans ce contexte.

[2La Sexta est le diminutif de la « Sixième déclaration de la forêt de Lacandone », lancée par les zapatistes en 2012, et à laquelle ont adhéré nombre d’organisations internationales, dont Alternative libertaire.

 
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