Chili : Éclosion d’assemblées populaires




En 2011, le Chili a expérimenté les plus grandes mobilisations populaires depuis la lutte contre la dictature, dans les années 1980. Cacerolazos, marches, occupations, affrontements : la jeunesse est en première ligne et, en son sein, les libertaires.

Une grande mobilisation populaire secoue le Chili. Cela peut paraître surprenant pour un pays « exemplaire » en termes de stabilité politique et de croissance économique, mais, tôt ou tard, les obscènes inégalités du modèle néolibéral imposées pendant la dictature militaire (1973-1990) et approfondies par les gouvernements de la « Concertación » social-démocrate (1990-2009) devaient engendrer une riposte sociale.

[*Punta Arena paralysée par la population*]

Le souvenir des années 2005-2006 est encore vif, quand des mobilisations massives d’étudiants et de travailleurs précarisés ont été apaisées par la classe politique sans aboutir à des changements de fond, à partir d’une stratégie de « tables rondes », de « commissions citoyennes » et de replâtrage des politiques sociales. Au bout de cinq ans, on peut affirmer que les choses continuent de façon très similaire, sinon identique, ce qui démontre les limites de l’économie « sociale de marché » et rend très peu probables les réformes exigées par les travailleurs et étudiants.

En février les habitants de Punta Arena, à l’extrême sud, ont paralysé la ville et pris le contrôle des routes pour protester contre la hausse du prix du gaz. Ce furent ensuite des marches réalisées dans tout le Chili contre l’installation de barrages hydroélectriques dans la région australe d’Aysen, puis la grève de la ville de Calama au nord du pays. Les manifestations étudiantes pour réclamer l’éducation publique gratuite furent les plus significatives, avec la participation au niveau national de 200 000 personnes le 16 juin et 500 000 le 30 juin.

Parallèlement à cette montée de la mobilisation sociale, la légitimité du bloc dominant a chuté : la popularité du président Sebastián Piñera est tombée au dessous des 30 %, pour 62 % de mécontents. Mais l’opposition sociale-démocrate, représentée par la Concertación, stagne quant à elle aux alentours de 20 %.

Les mobilisations étudiantes, qui depuis cinq mois ne cessent de s’élargir et de gagner en radicalité – aux manifestations et marches se sont ajoutés des affrontements de rue, des occupations d’établissements, etc. – ont eu un profond impact dans la conscience populaire. Divers secteurs de la population ont exprimé leur solidarité, et leur propre disponibilité pour la lutte collective sur les revendications les plus pressantes. Le mouvement étudiant a ainsi réussi à entraîner les parents d’élèves, des personnels de l’enseignement, des organisations ouvrières et de quartier, créant un réel « mouvement social pour l’éducation ». Celui-ci cristallise en fait un mécontentement plus général. On commence aujourd’hui à voir se mettre en placedes assemblées « populaires », « citoyennes » ou « de quartier ».

[*Grève générale les 24 et 25 août*]

Il est important de souligner que le rôle très secondaire qu’a joué la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) dans ce processus. Malgré la reconnaissance dont elle bénéficie, elle est bureaucratiséee et sclérosée, principalement à cause de son manque d’indépendance vis-à-vis des partis de « gauche ». Quand la CUT a appelé a la grève générale les 24 et 25 août, elle n’a pas réussi à mobiliser l’ensemble des syndicats, bien que cela ait permis de réaliser deux journées nationales de protestation, où se sont succédés les cacerolazos [1].

À cela il faut ajouter la convergence pratique des étudiantes et des étudiants avec la Confusam (Confédération nationale des fonctionnaires de la santé municipale), qui a entamé une mobilisation contre la privatisation de la santé, avec les journées de grève des 13 et 14 septembre.

Le Chili voit aujourd’hui naître une forme d’opposition nouvelle au modèle économique, issue du cœur même des classes populaires et des organisations étudiantes et syndicales. Les libertaires y jouent un rôle de référence, notamment dans la lutte pour l’éducation avec le Frente de Estudiantes Libertarios (Front des étudiants libertaires [2]), une des organisations de jeunesse les plus importantes et dynamiques du pays.

Des militantes et militants de la FCL-Chili. Traduction Vicente Neira

[1Cacerolazo : Forme de protestation populaire pendant la dictature, qui consiste à faire du vacarme avec des casseroles.

 
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