Colonies : Mayotte, future brèche dans le droit du sol ?




De même que les colonies françaises de Polynésie ont accueilli, jusqu’en 1996, des essais nucléaires, Mayotte, possession française dans les Comores, se voit transformée en terrain d’expérimentation… des lois anti-immigration. Les menaces qui y pèsent sur le droit du sol pourraient être un prélude à une remise en cause dans la métropole.

Mayotte sera-t-il le premier territoire français à voir le droit du sang se substituer au droit du sol ?

Christian Estrosi, ancien secrétaire d’État à l’« Outre-Mer » (les colonies), déclarait, le 22 février sur France 2, que dans le cas de Mayotte, il pourrait « prendre une décision exceptionnelle qui fasse que tout enfant né en situation irrégulière ne puisse réclamer son appartenance à la nationalité française ».

L’explication de texte nous avait déjà été donnée par son prédécesseur François Baroin, dans la Pravda-Figaro Magazine du 17 septembre 2005 : il s’agissait déjà de « remettre en cause le tabou du droit du sol ». En vertu du droit du sol, la nationalité est accordée à toute personne née sur le territoire national, indépendamment de la nationalité de ses parents. Cette notion s’oppose à celle de droit du sang selon lequel la nationalité est accordée aux enfants nés de parents possédant eux-mêmes la nationalité concernée.

À l’époque le projet avait été abandonné, le ministre, dans un éclair de lucidité, s’étant rendu compte de son extrême inconstitutionnalité. Aujourd’hui, elle menace à nouveau. Dangereuse à terme pour la métropole, la remise en cause du droit du sol, qui vise particulièrement les immigrés des Comores, est criminelle au regard de la situation de Mayotte.

En effet, les Comoriennes et les Comoriens ne sont nullement des « étrangers » à Mayotte ! En 1974, lors de la décolonisation, l’État français a amputé l’archipel de cette île. Au regard du droit international, Mayotte n’est donc pas un Territoire français d’outre-mer, mais un territoire comorien illégalement occupé par une puissance étrangère. En expulsant chaque années de l’île des milliers de Comoriennes et Comoriens prétendument « clandestins », la puissance coloniale se rend donc coupable de « déplacement forcé de population », donc de crime contre l’humanité (lire Alternative libertaire n°159, février 2007).

L’île sera un département en 2010

Mais les Comoriennes et les Comoriens clandestins, qui représentent 30 % de la population mahoraise sont « un chantier prioritaire » pour le gouvernement. Premiers visés : les milliers de nouveaux-nés, enfants de clandestins, qui naissent chaque année à la maternité de Mamoudzou et qui pourront donc jouir de la nationalité française.

Cette dernière est pourtant loin d’être attribuée « automatiquement », comme l’affirme Estrosi. La nationalité française n’est accordée qu’à partir de treize ans et encore faut-il que l’enfant puisse prouver qu’il réside sur le sol français depuis plus de cinq ans. Il ne la reçoit dès la naissance que si ses parents sont eux-mêmes nés sur le territoire français. Autant dire que cela n’a rien d’évident avec la multiplication des reconduites à la frontière. Une situation inique qui entraîne d’ailleurs des drames quasi quotidiens puisque, chaque année, entre 300 et 500 Comoriennes et Comoriens périssent en tentant de gagner Mayotte.

Mayotte, qui bénéficie du statut particulier de « collectivité départementale d’outre-mer », devrait, en 2010, passer au statut de département d’outre-mer. Un changement coûteux pour l’État – les Mahoraises et les Mahorais pourront prétendre au RMI – mais qui créera une brèche juridique pour une remise en cause du droit du sol étendue à l’ensemble des départements. C’est une pierre de plus dans l’édification législative et idéologique de l’Europe-forteresse. On pourra, peut-être, bientôt lire sur les frontons des maternités : « la nationalité française, ça s’hérite ou ça se mérite ! ».

Matthias Piquet (AL Orléans)

 
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