Congrès CGT : Donner plus de forces aux attentes sociales ?




La CGT tiendra son 48e congrès confédéral du 24 au 28 avril 2006 à Lille. Par la place centrale qu’elle occupe dans les luttes, par le maintien de larges secteurs combatifs mais aussi, parfois, par les blocages qu’elle représente au regard de leur développement, les questions soumises à ce congrès ne peuvent laisser indifférents les communistes libertaires de la CGT.

Dans le cadre d’une stratégie réelle de recentrage menée par la direction confédérale et par des secteurs droitiers qui lui sont liés, seuls les rapports d’activité et financier ont été publiés à ce jour. Préparés par sept forums nationaux, décentralisés et ouverts (sociologues, chercheurs, universitaires, syndiqués ou non), ils seront soumis au vote des 1000 délégué(e)s représentant l’ensemble des syndicats CGT, avec le document d’orientation et vingt-cinq résolutions diverses portant sur l’organisation, les structures, le renforcement, la cotisation ou l’actualité. Ceux-ci ne seront disponibles qu’au cours du mois de janvier 2006. Un dernier document, global, portant sur la réforme des structures ne devrait pas faire l’objet d’un débat à Lille mais lors d’une présentation ultérieure qui en serait faite lors d’un prochain Conseil confédéral national (CCN).

Casser le fédéralisme, ressouder l’appareil

D’ores et déjà, il faut souligner que la préparation des débats fait l’objet de critiques quant à la représentation de la pluralité des sensibilités au vu du mode de désignation des délégué(e)s au congrès. En effet, désignés en « coopération active » (art. 27-5 statuts confédéraux) avec les fédérations professionnelles et les unions départementales interprofessionnelles, ils/elles n’ont parfois qu’un rapport extrêmement éloigné avec leurs syndicats mandataires.

En réduisant la question des structures à un débat administratif ou l’enjeu ne serait que l’amélioration de l’efficacité de l’appareil, le risque est grand d’escamoter à la fois contenu et projet de l’organisation syndicale. Pour faire face aux nouvelles réalités économiques et sociales nées des 25 dernières années de restructurations capitalistes, les « gestionnaires » confédéraux ont en tête de liquider la proximité syndicale et de tenir en laisse les cadres intermédiaires de l’organisation.

Ainsi, sous couvert de l’inadéquation des petites structures syndicales fédérées tant au niveau des fédérations professionnelles que des unions locales interprofessionnelles, le projet se fait jour de regrouper ces structures en syndicats de sites. Cette orientation qui peut apparaître attrayante dans le sens d’une nécessaire solidarité interprofessionnelle, ne manquera pas de minorer le rôle tant des unions locales, dont le rôle statutaire tend à s’amoindrir au profit des unions départementales, plus aisément contrôlables, que des fédérations d’industries dont il est demandé de ramener le nombre de 32 à moins de 10...

Vers un syndicalisme d’accompagnement ?

Ce virage organisationnel rappelle tristement ce que la direction de la CFDT avait opéré dans les années 70 afin de pouvoir mener à bien son orientation d’accompagnement du libéralisme sans rencontrer ainsi de résistances internes en capacité de gripper ce projet, une stratégie basée sur le projet d’une confédération à l’allemande où le primat des luttes comme levier du rapport de force ferait place à l’expertise et à la négociation.

Mais ce recentrage institutionnel ne se résume pas à la future physionomie organisationnelle. Il s’opère aussi sur le fond. En revenant sur les mouvements sociaux des trois dernières années, et notamment du conflit des retraites du printemps 2003, la direction confédérale ne souffre aucun questionnement sur sa propre responsabilité dans l’orientation défaitiste entretenue et l’absence de perspectives claires, pour le secteur privé, qui ne serait due qu’aux difficultés d’implantation. En laissant la responsabilité de l’échec à la CFDT et au ressentiment des salariés du privé, le rapport d’activité considère que si les 4,5 millions de salarié(e)s engagé(e)es dans la bataille n’ont pu empêcher le vote de la réforme, c’est aussi dû au peu d’entrain de larges secteurs de la CGT qui ne se seraient pas engagés dans la diffusion du matériel national d’information et de mobilisation... D’où l’explication que la grève générale ne se décrète pas et que les conditions, objectivement, n’étaient pas remplies. L’affaire est entendue.

De même, le rejet du Traité constitutionnel européen acté au CCN de février 2005, et qui a pu mettre en porte-à-faux la direction confédérale, serait à mettre à l’actif du manque de débats et de démocratie syndicale dans la CGT. La boucle est bouclée.

Une alternative sociale nécessaire et urgente

La question du rapport au politique sera, à nouveau, présente au congrès. Pour la direction confédérale, l’attitude adoptée avance l’autonomie du syndicat par rapport aux partis politiques, en « excluant toute attitude de soutien ou de co-élaboration d’un projet politique quel qu’il soit » (47e congrès, 2003). Or, comme le suggère l’introduction au rapport d’activité, « l’absence de réels projets politiques alternatifs aux réformes régressives hypothèque le résultat de l’action et continuera de peser sur les batailles à venir ». Faisant fi de son histoire de syndicat de transformation sociale, la CGT « doit aller dans ce domaine à la limite des capacités syndicales en avançant quelques propositions fondamentales de réformes permettant une plus grande justice ». Limitées pour le moins, ces perspectives prennent une tonalité plus claire lorsque Bernard Thibault se rend au congrès du PS lors des mouvements sur les retraites en 2003 ou lorsque Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral, expliquait à cette même période que la CGT ne pouvait pas se permettre une « confrontation majeure avec le gouvernement car les conditions d’une alternance à gauche n’étaient pas réunies ».

Fait majeur dans la vie syndicale, ce 48e congrès confédéral intervient au terme de trois années particulièrement riches en luttes, dans un contexte de crise sociale doublée d’un approfondissement de la crise de légitimité des institutions. Sans mythifier la CGT, son rôle comme sa stratégie d’action, le projet syndical qu’elle représente et les débats portés par ses adhérents sont déterminants dans la recomposition syndicale et politique à laquelle nous aspirons. Nous y reviendrons dans les prochains numéros de notre journal. La persistance et la reconnaissance d’un courant libertaire, historique, au sein de la CGT est une exigence.

Des communistes libertaires de la CGT

 
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