Courrier d’une lectrice : Freinet et les pédagogies radicales




Suite à l’article «  Réseau Pédagogies radicales : que fleurissent cent collectifs  » dans Alternative libertaire d’octobre, une lectrice a souhaité réagir. Le mensuel Alternative libertaire publie des articles qui reflètent les orientations d’AL, mais il s’enrichit aussi parfois de points de vue et d’analyses autres, s’ils ne nous semblent pas antagoniques. Il est donc juste que certains articles fassent débat.

Les pédagogies radicales veulent conscientiser sur les inégalités sociales et les discriminations (classisme, sexisme, racisme, handiphobie, LGBTQIphobies...). Refuser de reproduire les oppressions devrait être au cœur de la réflexion de tous les pédagogues. On en voit tellement qui n’appliquent pas en classe ce qu’ils prônent dans les réunions le soir...

Mais je n’ai pas compris, dans l’article d’AL d’octobre, où sont ancrés les «  collectifs  » évoqués et sur quelles bases communes ils pourraient se retrouver. Il ne suffit pas de faire un site web pour mutualiser des ressources auxquelles on affirme adhérer, sans évoquer la pratique réelle sur le terrain.


Réseau « Pédagogies radicales » : que fleurissent cent collectifs, AL d’octobre


À ma grande surprise, les «  pédagogies radicales  » ne semblent pas inclure le mouvement Freinet qui porte pourtant, depuis un siècle, un travail autour de l’antiracisme, du féminisme et de l’égalité. Ce mouvement est organisé autour d’un texte politique clair – «  Perspectives pour une éducation populaire  » – au sein de la Fédération internationale des mouvements de l’école moderne (Fimem) et, en France, de l’Institut coopératif de l’école moderne (Icem). Il groupe des praticiennes et des praticiens qui osent, de manière révolutionnaire, dire qu’ils sont leurs propres didacticiens. L’image du forgeron qui forge lui-même ses outils est l’expression de cette pensée qui fait fi de la rupture entre manuel.les et intellectuel.les.

S’il était nécessaire de créer un nouveau mouvement et de celui qui existe déjà, il faudrait commencer par expliquer le sens de cette rupture  : qu’est-ce qu’on ne pourrait ni trouver ni construire au sein de la Fimem ?

En regardant le site de l’Iresmo, un institut qui promeut ce réseau Pédagogies radicales, je n’ai pas trouvé de réponse  ; cela semble être davantage un mouvement d’universitaires qu’une organisation de praticien.nes.

Lire des textes de Paulo Freire c’est extrêmement intéressant, mais cela ne suffit pas plus que de lire des textes de Freinet. Il faut agir ensemble, il faut confronter ces textes à la réalité des groupes d’enfants, d’adolescents, dans les classes, les centres et les quartiers. C’est là qu’on pourra éventuellement constater de réels désaccords politiques. Freinet a par exemple refusé de travailler avec Montessori parce qu’il était laïc et communiste, tandis qu’elle était croyante et collaborait avec Mussolini. En revanche, où sont les divergences entre les disciples de Paulo Freire et l’Icem  ? Comme Freinet, je crains toujours les gens qui «  parlent sur  » au lieu d’«  agir avec  ». On ne saurait construire un réseau de praticiens sans le faire d’abord avec ceux qui réfléchissent chaque jour auprès des enfants à de réelles pratiques émancipatrices.

Véronique Decker (93), militante de l’Icem

 
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