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« D’où que vienne l’aide, la gauche kurde doit rester indépendante »




[Audio] Intervention de Mehdi Kabar, au nom du collectif Anarchistes solidaires du Rojava, au meeting de soutien à Kobanê, le 10 novembre à Paris, au théâtre du Gymnase. Un meeting en duplex avec Narîn Afrîn, commandante des YPG dans la ville, en présence de Saleh Moslim, coprésident du PYD, et de plusieurs soutiens français. Extraits.

Photos : Feyka


Des fonds pour la révolution !


La salle était comble, lundi 10 novembre, sous les dorures du théâtre du Gymnase, à Paris 10e (métro Bonne-Nouvelle). Une forte présence de la diaspora kurde, mais aussi de nombreuses et nombreux militants français venus apporter leur soutien.

On était venu écouter les nécessaires discours de solidarité avec la résistance des YPG-YPJ à Kobanê mais, d’évidence, le public n’était pas venu que pour faire la claque. Il a également écouté avec une grande attention ce que disaient les oratrices et les orateurs sur l’appui militaire que la coalition arabo-états-unienne a apporté à Kobanê.

Un soutien nécessaire, puisqu’il a sauvé la ville, mais lourd d’ambiguïtés, du fait des ambitions impérialistes du Qatar, de l’Arabie saoudite, des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France au Moyen-Orient.

D’ailleurs, du fait de ce revirement des grandes puissances en faveur de Kobanê, un responsable du PS s’est senti, pour la première fois, autorisé à venir soutenir publiquement la gauche kurde (il s’agissait de Julien Dray, mais notre micro est malencontreusement tombé en panne à ce moment-là).

Cela, l’intervenant libertaire ne s’est pas privé de le rappeler, et il n’a pas été le seul. Ce qu’il été presque le seul à mentionner, en revanche, avec l’écrivain Patrice Franceschi et le coprésident du PYD, c’est l’existence d’une révolution au Rojava, susceptible de constituer un modèle politique et une alternative à l’actuel chaos moyen-oriental.

Ci-dessous, des extraits de chaque intervention, et l’allocution libertaire in extenso.



ALLOCUTION LIBERTAIRE

Depuis bientôt deux mois, Kobanê est assiégée par les fanatiques de l’État islamique – Daech.

Depuis bientôt deux mois, Kobanê se bat pour la liberté, pour la démocratie, pour les droits des femmes, et ce malgré le double jeu du gouvernement turc.

Aujourd’hui, Kobanê est devenu le symbole de la résistance du Rojava, mais pas seulement.

Si Kobanê tombe, c’est aussi un modèle politique et social naissant qui sera menacé : celui de l’autonomie démocratique, édifiée au Rojava depuis le 19 juillet 2012.

C’est pourquoi la défense de Kobanê et du Rojava intéresse non seulement le peuple et la diaspora kurde, mais aussi toutes et tous les partisans de l’émancipation, les féministes, les anticolonialistes, les anti-étatistes et les anticapitalistes.

Alors que tout le monde, d’Ankara, à Washington, prédisait que la ville tomberait en une semaine, Kobanê n’est pas tombée. La résistance a tenu, et parce qu’elle a tenu, elle a obligé la coalition arabo-états-unienne à intervenir en sa faveur, en bombardant Daech et en livrant des armes.

Cette aide extérieure signifie-t-elle que les miliciennes et les miliciens kurdes sont devenus des supplétifs de l’impérialisme ?

Non, mille fois non.

Mais la vigilance est nécessaire.

Car qui peut croire que l’aide arabo-états-unienne est désintéressée ? Qui peut croire que des états-nations qui ont l’impérialisme gravé dans le sang agissent sans intérêt. Si la coalition ne souhaite pas la victoire de Daech, elle ne souhaite pas non plus la victoire du modèle politique et social que représente le Rojava.

D’où que vienne l’aide, la gauche kurde doit rester indépendante. Elle doit rester indépendante, et c’est à cette condition que le modèle du confédéralisme démocratique pourra représenter une alternative pour tout le Moyen-Orient.

Le renfort d’un bataillon de peshmergas d’Irak va dans le bon sens.

Mais ce qui est plus important encore, c’est de pouvoir recevoir l’aide des dizaines de milliers de jeunes gens, révolutionnaires, syndicalistes, anticolonialistes, libertaires qui ont manifesté en Turquie et dans le monde entier en soutien à Kobanê, et dont plusieurs centaines sont toujours bloqués à la frontière par l’armée turque.

Ce qui est tout aussi important, c’est le PKK ne soit plus classé comme une organisation « terroriste » pour que la solidarité international puisse s’exercer sans contrainte.

Nous aimerions saluer encore une fois les miliciennes et les miliciens qui défendent Kobanê au péril de leur vie. Nous espérons que cette ville martyre sera le Stalingrad de Daech, la première défaite majeure qui brisera son moral, stoppera son expansion et préludera à sa déroute.

Et disons-le encore : Kobanê porte sur ses épaules la possibilité d’un autre futur. Un autre futur pour le Moyen-Orient. Mais en tant qu’Occidental, je voudrais dire une dernière chose, et là je m’adresse aux Occidentaux dans la salle : la lutte est une culture, et sans culture de la lutte aucune révolution n’est possible.

Vive Kobanê libre, vive le Kurdistan libre, vive la révolution !

 
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