12e congrès d’AL (Castillon-du-Gard, 2015)

Un bilan : De l’UTCL à Alternative libertaire




La genèse

En rupture avec le communisme libertaire fortement teinté d’une idéologie ultra-gauche de l’ORA (Organisation Révolutionnaire Anarchiste), le collectif pour l’UTCL naît en 1974 et publie le premier numéro de son journal Tout le Pouvoir Aux Travailleurs (TLPAT) en mai 1976. Le premier congrès de l’organisation UTCL, en 1978, est suivi de la fusion avec l’OCA (Organisation Combat Anarchiste, issue de la Coordination anarchiste).

Adossée à une conception lutte de classe, l’UTCL se construit sur une base ouvriériste et une volonté de pratique de masse. Les analyses et réflexions sont passées au crible du « matérialisme dialectique historique » et toujours confrontées aux expériences de terrain.

Ainsi, l’UTCL réalise-t-elle un travail de synthèse entre les apports positifs du courant libertaire ouvrier, de Bakounine, de Marx, des marxistes non dogmatiques et des autogestionnaires, dépasse le plateformisme et refuse les tabous anarchistes, comme l’abstentionnisme de principe.

La fin des années 70 correspond à la fin de l’illusion de l’imminence de la révolution. L’UTCL s’oriente alors dans la construction d’une stratégie révolutionnaire en période non révolutionnaire, de prolongement politique aux luttes sociales face à la social-démocratie, dans l’unité avec des forces pas uniquement libertaires. Cette stratégie, développée dans le Projet communiste libertaire, marque la spécificité de l’UTCL au sein du mouvement libertaire.

Pratiques de masse et axes de lutte

Son implantation dans le mouvement ouvrier se traduit en priorité par l’investissement dans le syndicalisme où sont défendues les pratiques de contre-pouvoir, d’auto-organisation des travailleurs-ses syndiqué-e-s ou non et des conceptions héritées de l’anarcho-syndicalisme et du syndicalisme révolutionnaire. Les militant-e-s de l’UTCL animent l’opposition contre le recentrage en vigueur notamment dans la CFDT, favorisent l’émergence de coordinations et sont nombreux-ses à œuvrer à la création de nouvelles organisations syndicales (SUD).

L’antimilitarisme, le soutien aux comités de soldats et une implication forte dans le RNVAA (Rassemblement national pour la vérité sur les accidents à l’armée) représentent un axe de lutte important à une époque où la conscription existe encore.

L’UTCL est également engagée dans une campagne contre les accords armée-école et armée-culture voulus par le PS qui visent à promouvoir l’institution militaire et contribue à la militarisation de la société. Par ailleurs elle compte dans ses rangs, tout comme le Collectif jeunes libertaires qui est proche d’elle, des objecteurs de conscience et soutient aussi leurs combats.

Internationaliste et anti-impérialiste, l’UTCL tisse des liens sur les 5 continents avec des organisations, des syndicats, des collectifs et des revues libertaires ou anti-autoritaires, notamment dans les pays du bloc de l’Est (voir en 1981 le colloque, « De Cronstadt à Gdansk, 60 ans de résistance au capitalisme d’Etat »).

Anticolonialiste, elle soutient fortement la lutte du peuple Kanak et occupe une place non négligeable dans l’AISDPK (Association d’information et de soutien aux droits du peuple kanak). Les militant-e-s travaillent avec les indépendantistes kanaks sur différents fronts de lutte en lien avec le FNLKS (Front national de libération kanake et socialiste) et certaines de ses composantes (comme le Palika, parti de libération kanak), les EPK (Ecoles populaires kanakes), et l’USTKE (Union syndicale des travailleurs kanaks et exploités). Quand survient la première guerre du Golfe, en 1990, c’est sans aucune hésitation que l’organisation la dénonce et participe au mouvement d’opposition.

Petite organisation et grands bouleversements

Le monde change : c’est l’heure des bilans. La chute du mur de Berlin rend caduque le travail effectué avec les organisations des pays du bloc de l’Est. Une grande partie des structures en lien avec l’UTCL explosent, s’atomisent ou sont absorbées par les nouvelles réalités.

Après les accords de Matignon, les liens avec le mouvement kanak se sont estompés sans que l’UTCL ne soit parvenue à y impulser un débat autour de son projet autogestionnaire et libertaire.

L’expression libertaire en faveur des droits des homosexuel-le-s (voir la brochure Le Droit à la caresse) a été noyée dans le mouvement interclassiste qui s’est développé ensuite.

L’UTCL a été confrontée au développement de SOS Racisme, émanation du Parti socialiste, qui a alors imposé largement un antiracisme moral et compatible avec la politique anti-immigré-e-s des gouvernements PS.

Le reflux des luttes des années 80, a rendu difficile l’inscription dans la durée des actions, des influences politiques, malgré l’animation de nombreuses luttes où l’investissement des militant-e-s de l’UTCL s’opère loin d’une conception avant-gardiste mais dans le profond respect des acteurs et actrices du mouvement, quel qu’ils soient. Une attitude qui a souvent valu aux militant-e-s de l’UTCL la confiance des travailleurs-ses et des autres militant-e-s organisé-e-s, mais qui reflétait aussi la carence de stratégie de développement. Les militant-e-s n’ont pas su résoudre la contradiction entre le refus d’être des sergents recruteurs et la nécessaire construction de l’organisation.

La multiplication des investissements locaux et syndicaux sur fond de basisme a nui à une intervention et une expression publiques se donnant les moyens de la visibilité.

L’investissement dans le syndicalisme, quasi exclusif, s’est fait au détriment d’autres champs de lutte, tel celui des femmes, cantonné au secteur syndical, ou l’écologie, limité au nucléaire. Quant au secteur éducation, il développe un collectif à part avec des militant-e-s non organisé-e-s autour de la revue Zéro de Conduite qui entretient des liens étroits avec le secteur frère de la FA.

Ces réalités ont rendu difficile l’intégration de militant-e-s actif-ve-s hors entreprises et des lycéen-ne-s et étudiant-e-s pour lesquel-le-s a été créé le CJL (Collectif Jeunes Libertaires), révélateur des forces et des faiblesses de l’UTCL.

Sortir de la marginalité, construire une nouvelle organisation

L’UTCL n’était plus l’outil adapté à cette nouvelle époque et c’est l’ensemble des militant-e-s de l’organisation qui ont donc lancé en leur nom propre un Appel pour une alternative libertaire en 1989. Trois assemblées générales réunissent, sur la base de la participation individuelle, les militant-e-s de l’UTCL, du CJL, des militant-e-s rassemblé-e-s dans des associations, des revues et des libertaires non organisé-e-s rencontré-e-s dans des mouvements unitaires. Le Manifeste pour une alternative libertaire est adopté en AG les 18, 19 et 20 mai 1991. Lors du Ve et dernier congrès en juin 1991, les militant-e-s de l’UTCL, investi-e-s dans la construction d’AL, prononcent sa dissolution.

A la faveur de luttes collectives et du temps qui passe, estompant petit à petit les rancœurs et oppositions doctrinales internes aux différents mouvements libertaires, il semblait alors envisageable un processus de réunification, au moins partiel. Les débats avec l’OCL ont fait avancer de part et d’autre la nécessité de ne plus concevoir le combat du monde ouvrier exclusivement dans l’entreprise ou tout aussi exclusivement hors entreprise.

Les nombreux-ses militant-e-s communistes libertaires inorganisé-e-s mais regroupé-e-s autour de revues, de collectifs — Revue Tribune anarchiste communiste (TAC), COJRA (Comité d’organisation des journées de réflexion anti-autoritaire), revue Noir et Rouge, le CLATM (Collectif de lutte anticapitaliste de Thann-Mulhouse), le café la Mouette Rieuse… — sont des partenaires habituels de lutte et une convergence paraît envisageable. La discussion est devenue possible avec certains secteurs de la FA où les tensions s’amenuisent (contacts entre syndicalistes, vente de Lutter ! à la librairie du Monde Libertaire, travaux en commun sur l’éducation…).

Tous les acteurs de l’Appel pour une alternative libertaire ne rejoignent pas la nouvelle organisation éponyme, mais celle–ci rassemble au bout du compte plus de militant-e-s que l’UTCL. Si cette nouvelle organisation n’a pas réussi à rallier certains vieux briscards du communisme libertaire, l’élaboration politique menée pendant deux années a attiré une nouvelle génération de militant-e-s en rupture avec une certaine mythologie ouvriériste.

Parmi les objectifs recherchés par la nouvelle organisation :

  • L’investissement dans le syndicalisme, dans les entreprises du secteur public mais aussi dans celui du privé ;
  • La défense de pratiques anti-autoritaires et de démocratie directe ;
  • L’implantation dans des mouvements de masse et le travail avec des composantes non libertaires ;
  • La stratégie de développement de l’organisation ;
  • La poursuite d’une expression internationaliste et la reconstruction de (nouveaux) liens internationaux dans la poursuite des conceptions anti-impérialistes et anticolonialistes ;
  • L’élargissement de nos interventions sur les terrains de lutte des travailleurs-ses hors entreprise : logement, droits sociaux, droits des étrangers, lutte des femmes, écologie, antifascisme, luttes de la jeunesse scolarisée, ... ;
  • La cohérence politique entre les différents secteurs d’intervention.
 
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