Décryptage : Y a-t-il un racisme d’État ?




Après avoir dénoncé le racisme supposé d’un stage syndical organisé par SUD-Éducation 93, des ateliers étant réservés au personnes victimes de racisme, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation, a décidé de porter plainte contre le syndicat pour l’utilisation de la notion de « racisme d’État » qu’il juge diffamatoire. Pourtant, l’usage de ce terme est belle et bien adéquat face aux discriminations que subit un grande partie de la population.

Le racisme est une réaction de peur et de rejet de la différence produisant des « théories » basées sur la supériorité prétendue d’une race. Dans tous les cas une stupidité puisque que la race humaine est une et indivisible, par-delà des attributs physiques nuancés. À toutes ces formes de racisme s’oppose depuis toujours un antiracisme moral, humaniste ou religieux. Même si certaines militantes et militants de l’antiracisme politique se moquent à tort de l’antiracisme moral d’où provient la majorité des militants et militantes impliquées dans le soutien quotidien aux Roms, aux réfugié.es, aux sans-papiers ou s’ils s’enferment parfois dans des impasses communautaristes, ce combat est aussi le nôtre.

Car il existe un racisme ­d’État qu’il est nécessaire de combattre, quoi qu’en pense le ministre de l’Éducation nationale.

En France, patrie des droits de l’homme (!), on a longtemps considéré que le racisme d’État n’existait que sous les formes paroxystiques de l’antisémitisme entre l’affaire Dreyfus et Vichy ; ou alors très loin de chez nous en Afrique du Sud par exemple. C’est ce confort intellectuel que viennent bousculer depuis quelques années des intellectuel.les, souvent issu.es de l’immigration, qui dénoncent en France un racisme d’État auquel beaucoup refusent de croire. Et c’est à ce combat que s’attelle l’antiracisme politique.

Des chercheurs et chercheuses désireux de dépassionner la question préfèrent utiliser le concept de racisme institutionnel ou celui de discriminations systémiques. Ces deux formulations dépolitisantes ont l’avantage de préciser les enjeux car le racisme en question est produit non seulement par l’État mais par toutes les institutions publiques, et se concrétise par des discriminations bien réelles sans nul besoin d’une législation.

Droit à l’hébergement dénié

Il est bien évident que l’interdiction d’accès aux emplois titulaires de la fonction publique et de certaines professions est une loi objectivement raciste. Mais les politiques du gouvernement, les pratiques des appareils d’État (armée, police, école...) ou celles des collectivités locales n’ont pas toujours besoin de loi explicite pour être racistes. Quand la France interdisait l’accès à l’emploi aux Bulgares et Roumains qui venaient d’entrer dans l’Union européenne, elle ne visait pas les peuples de deux nations pauvres mais très directement les Roms, dont la discrimination dans leurs pays laissait craindre un afflux de population... Quand la scolarisation est refusée ou pas appliquée dans les faits avec des classes d’accueil pour non-francophones qui restent vides alors que des centaines de dossiers ont été traités dans les CIO du 93, quand le droit à l’hébergement est dénié, ­l’État français est en dehors de ses propres lois ! Il a d’ailleurs été condamné à Bruxelles plusieurs fois sans que cela ne change rien à ses pratiques !

Quand l’État français organise les contrôles au faciès, quand il proclame un état d’urgence permanent autour des gares pour faire la chasse aux sans-papiers, quand il prépare une intervention militaire en Libye pour soi-disant « libérer » les esclaves victimes des passeurs mais en réalité pour les renvoyer dans leurs pays d’origine, quand il déploie des tests osseux inefficaces pour déterminer l’âge des réfugié.es et rejeter ses obligations légales vis-à-vis des mineur.es, oui on peut et on doit parler de racisme d’État.

Jean-Yves (AL 93-centre)

 
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