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Des livres pour Rojava : Prendre langue avec la révolution




Au Rojava, pas si loin du front ouvert par Daech à la frontière du Kurdistan syrien, a été créée une université d’un nouveau genre, où, dans une multitude de langues, on apprend l’égalité, la démocratie, l’antisexisme, ou encore l’écologie. Solidaires Étudiant-e-s s’est joint à la campagne internationale de collecte de livres pour cette académie nouvelle.

En janvier 2015, le syndicat Solidaires Étudiant-e-s, syndicats de luttes, lançait une campagne intitulée Des livres pour Rojava, rejoint bientôt par d’autres syndicats de l’union syndicale Solidaires, comme Sud Culture, ainsi que quelques groupes divers. Il s’agissait de la transcription française d’une campagne à vocation internationale : « Pirtutek bo akademiya Mezopotamya », de l’Académie des sciences sociales de Mésopotamie, créée dans la ville de Qamishlo, au Rojava (au nord de la Syrie) en pleine révolution. Cette académie a été créée à l’été 2014 dans le Rojava encore en guerre pour accueillir des étudiants et étudiantes souhaitant faire de la sociologie et de l’histoire, mais de façon nouvelle, puisque la manière d’y enseigner s’inscrit dans le souffle révolutionnaire qui envahit la région.

image de la cérémonie d’inauguration, en septembre 2014

Une double campagne

Cette campagne consistait à recueillir des livres dans toutes les langues puis à les envoyer à l’académie. C’est en tombant par hasard sur le très bel appel de l’académie louant l’importance de la pluralité des langues qu’un premier syndicat avait décidé de décliner en France la campagne. Il faut dire que ce « problème de la langue » est une question cruciale dans la lutte kurde. Pendant longtemps la région a été soumise à l’imposition de l’arabe (et du turc pour le nord-Kurdistan) au détriment de toutes les autres langues et notamment les langues maternelles des habitants et habitantes. Le respect et l’intérêt pour la diversité des langues sont des points cruciaux de la lutte des Kurdes. La campagne a donc été à la fois le moyen de faire parvenir des livres en français, en anglais ou en espagnol, mais surtout des livres en kurde, l’académie n’en possèdant quasiment aucun.

Derrière le recueil des livres, le but de la campagne était de faire reconnaître le Rojava et le Bakur, ces deux régions kurdes, l’une en Syrie, l’autre en Turquie, où se développe le projet révolutionnaire du confédéralisme démocratique. Cette campagne permettait d’impliquer des gens ou des structures qui n’étaient pas prêtes à soutenir l’apport d’armes, mais pouvait s’impliquer par un autre biais dans le soutien de la révolution. Sur ce plan, la campagne est une réussite totale. Elle a permis de faire beaucoup d’information, notamment sur les universités (et pas seulement), ainsi que de mettre en avant autre chose que la seule question des combats. Le soutien aux Kurdes est souvent pris sous des angles humanitaires ou militaires qui, s’ils sont importants, effacent souvent la perspective révolutionnaire qui se développe au Rojava et au Bakur.

La campagne a ainsi mis en avant la question du projet éducatif qui fait partie de la révolution et mérite largement qu’on y soit attentif et attentive et même que l’on s’en inspire. « Académie » ; le mot est tiré du nom des écoles d’enseignement du PKK, mais il marque aussi une rupture avec les universités, celles-ci étant assimilées à l’État, c’est-à-dire à une coercition. De surcroît, les universités syriennes imposaient des contenus nationalistes. Dans l’académie, l’enseignement n’y est pas hiérarchique et le savoir ne se veut pas faussement objectif. Y est assumée la volonté d’apprentissages en lien avec les principes de la révolution et la volonté d’y changer le monde et les habitudes. L’enseignement s’y veut donc antisexiste, écologiste, démocratique ou encore égalitaire et, bien sûr, dans les langues choisies.

Faire reconnaître l’académie à l’international

La collecte des livres est aujourd’hui clôturée et le travail se concentre sur l’objectif de recueillir suffisamment d’argent pour en expédier le maximum. À l’heure actuelle quelques centaines de livres ont été envoyés ainsi qu’une somme d’argent assez conséquente pour qu’ils puissent directement en acheter d’autres dans la langue et sur le sujet souhaités. D’autres centaines de livres dorment toujours au local de Solidaires à Saint-Denis, en attente de pouvoir être expédiés à leur tour au Rojava, chose assez complexe à effectuer au vu de la situation géopolitique locale et du coût du transport.

Un autre projet est d’ailleurs en cours, celui de vendre à prix libre les livres récupérés inenvoyables (par exemple sur la « sociologie rurale de la France » ou encore un « guide touristique de Rome ») pour aussi expédier de l’argent qui permettrait à l’académie de faire ce qu’elle souhaite (achat d’ordinateurs, construction d’un dortoir…).

Ainsi des soirées de soutien continuent à être organisées, même après l’arrêt de la collecte, notamment autour de la venue de Yasin Duman, coordinateur de la campagne en Turquie, qui a rencontré son petit succès dans les sept villes où il a été accueilli. Il a à la fois présenté le projet de l’académie et sa place dans la révolution.

Pour poursuivre le souffle donné par la campagne, un collectif de soutien à la culture et à l’éducation au Rojava a été créé, avec pour ambition de prendre le relai du soutien à cette académie, en rassemblant ainsi au-delà des seul-e-s syndicalistes. Ce collectif a déjà organisé une soirée à l’occasion du Newroz, fête du nouvel an kurde et moment de réaffirmation du combat politique. Il vise à la fois à ramasser de l’argent pour aider cette académie et les autres en train de s’ouvrir, mais aussi de travailler à sa reconnaissance institutionnelle auprès d’universités françaises, en vue de pousser aussi à la connaissance et la reconnaissance du Rojava.

Anouk (amie d’AL)

Pour continuer à soutenir la campagne, notamment financièrement :
Solidaires Etudiant-e-s Saint-Denis, sudparis8@gmail.com

Pour le collectif : rojavaacademie@gmail.com
Collectif de soutien à la culture et à l’éducation au Rojava.


 
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