Edito : Laïcité : réactions et diversions




En avril 2003, en pleine ascension de la grève des enseignant(e)s, Sarkozy tentait une diversion sur la question du foulard à l’école et du respect de la laïcité pour venir au secours d’un gouvernement malmené dans la rue et en quête de consensus national. Un consensus sur lequel Chirac et Raffarin avaient pu s’appuyer pendant plusieurs mois sur la question de l’Irak, et qui les avaient beaucoup aidé pour appliquer leur programme ultralibéral. Mais là, la mêche était un peu grosse et elle devait alors faire long feu. Les propos de Sarkozy sur le port du foulard à l’école et les moyens du gouvernement pour y remédier intervenaient également un an, pratiquement jour pour jour, après le premier tour de l’élection présidentielle.

Plus que jamais la droite court après le FN et prétend sublimer la crise de la représentativité et les tensions sociales à travers le recours à des thématiques identitaires.

Cette fuite en avant a pour seul but de conserver le pouvoir à tout prix. C’est une stratégie à courte vue et à haut risque.

Juin 2003, le gouvernement affaibli dans les sondages, et soucieux de reconquérir quelques points pour aborder dans des conditions plus favorables une année électorale difficile, évoque la perspective d’une loi sur le port des insignes religieux à l’école...

La droite qui a toujours combattu la laïcité en deviendrait aujourd’hui la championne, et il faudrait marcher ! Rappelons tout de même que l’UMP essaye d’obtenir à l’Assemblée nationale des rallonges budgétaires plus importantes pour l’école privée et confessionnelle (le PS n’est du reste pas tout blanc et il a su faire profiter l’église catholique de ses largesses dans un passé proche). Précisons que dans les collectivités locales qu’elle contrôle, la droite redistribue de plus en plus de fric aux écoles privées et, notamment, à un enseignement supérieur privé en pleine expansion. Enfin, comme le PS, elle ouvre en grand les portes de l’enseignement public au Medef et à ses appendices, et s’apprête avec le projet de loi sur l’autonomie des universités à accélérer la privatisation de l’enseignement supérieur.

La question de l’oppression des religions ne peut toutefois pas se limiter à l’appréciation de son instrumentalisation par le gouvernement.

Et nous sommes tout à fait clair(e)s sur ce point.

Accepter qu’une jeune femme se voile par contrainte ou par « libre consentement », c’est capituler devant l’oppression religieuse, c’est accepter l’idée que ce corps soit soustrait au regard de l’homme, au regard de l’autre, parce que religion (l’islam en l’occurence) et patriarcat, qui ne font qu’un, le considèrent comme impur.

Le devoir de l’école est de s’y opposer et de faire en sorte que l’élève accepte de retirer son voile.

Pour y parvenir, la bonne méthode, c’est le dialogue sans concession. C’est ce type de détermination qui paye dans la quasi totalité des cas. C’est le nœud du problème.

La pire des solutions, c’est l’exclusion. À Aubervilliers, elle a sanctionné deux lycéennes alors même que toutes les tentatives de médiations n’avaient pas été menées. Et il y a fort à parier que le vote d’une loi encouragera les tenants des solutions administratives et expéditives qui ne feront au mieux que déplacer les problèmes, au pire les amplifier.

Notre refus de l’exclusion ne s’accompagne par pour autant d’une tolérance particulière à l’égard des prétentions des religions à régner sur les consciences, des religions dont le propre est l’intolérance à chaque fois que le rapport de force qu’elles entendent imposer leur est favorable. À la pointe du combat pour la laïcité et la liberté de pensée au tournant du XXe siècle, les libertaires doivent plus que jamais faire de la lutte contre les religions et leur offensive actuelle une des priorités de leur combat en ce XXIe siècle commençant.

Alternative libertaire, le 23 octobre 2003

 
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