Edito : Tsunami de larmes de crocodiles




C’était en 1993, un tsunami a alors ravagé les côtes du Bangladesh.

Bilan 130000 morts. Qui s’en souvient ?

Le tourisme, il est vrai, est inexistant dans ce pays qui compte parmi les plus pauvres de la planète.

Face à l’« élan de générosité » qui a suivi le tsunami du 26 décembre dans l’Océan indien et sur lequel les médias ne cessent de se répandre, on peut légitimement s’interroger sur les différentes motivations d’un tel tapage.

Si les associations humanitaires ont été, comme à chaque fois, les premières à se mobiliser pour venir en aide aux populations sinistrées, l’attitude des gouvernements est une fois de plus sujette à caution.

On est plus que circonspect(e)s quant aux réactions des gouvernements occidentaux et des oligarchies financières.

On a vu les États-Unis de Bush tenter de s’acheter une conduite auprès des musulmanes et musulmans de la région pour mieux faire oublier leur politique criminelle en Irak.

On a vu en France les grandes entreprises et les banques communiquer à peu de frais sur la nécessaire solidarité avec l’Asie... et mettre à contribution pour l’essentiel leurs propres salarié(e)s.

Cette agitation est également à mettre en rapport avec le silence généralisé face aux 40000 morts de faim quotidiens.

Alors que la question de l’annulation de la dette des pays touchés par le tsunami (mais aussi de tous ceux dont le budget sert en grande partie à éponger les intérêts de cette même dette) devrait être à l’ordre du jour, elle suscite l’embarras des banques et des États créanciers.

Dans le meilleur des cas, ces brigands sont prêts à concéder un moratoire sur le paiement des intérêts de la dette, mais guère plus.

Bien évidemment l’annulation de la dette du tiers-monde, aussi nécessaire soit-elle, ne saurait constituer une fin en soi, surtout si elle est accompagnée, comme c’est souvent le cas, par une mise sous tutelle des pays concernés et des plans d’ajustement aboutissant à la privatisation des services publics et au pillage de leurs économies. Pourtant, c’est bien la moindre des choses que les peuples sont en droit d’attendre de ceux qui rivalisent pour donner des leçons de générosité.

Il est également nécessaire de s’interroger sur les choix de développement faits par les pays dont les côtes ont été ravagées par le tsunami du 26 décembre. Ainsi en est-il de la touristification intensive des littoraux. De nombreux travailleurs et travailleuses de l’intérieur sont venu(e)s y vivre pour servir de main-d’œuvre à « l’industrie touristique ». Peu familiarisé(e)s avec les risques naturels, ils/elles sont celles et ceux qui ont payé le plus lourd tribut du tsunami. Il aurait été possible d’éviter ou tout du moins de limiter une telle catastrophe si les gouvernements avaient investi dans un dispositif d’alerte. Une balise d’alerte coûte 190000 euros, mais c’était très cher payé.

Alors qu’en Thaïlande les travaux de reconstruction des infrastructures touristiques ont recommencé trois jours après le tsunami, il est nécessaire de remettre en cause une économie de comptoir qui profite d’abord aux tours opérateurs et aux gouvernements corrompus du Sud-Est asiatique et sert de cache-misère.

Alternative libertaire, le 20 janvier 2005

 
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