Education : La FSU à l’heure du braconnage




La Fédération syndicale unitaire (FSU) a tenu son congrès du 2 au 6 février dernier. Un camarade militant de ce syndicat au sein de la tendance Émancipation syndicale et pédagogique (syndicaliste révolutionnaire) revient sur les enjeux qui agitent la fédération syndicale majoritaire de l’Éducation nationale

Le formidable mouvement social dans l’éducation du printemps dernier a laissé des traces. La direction hétérogène de la FSU, alliance entre la tendance Unité et Action (UA) 1 et l’ÉÉ-LCR 2, affiche une grande satisfaction. Pour elle, la FSU a joué un rôle moteur et a appelé à la grève reconductible. Les personnels ont un autre souvenir et n’ont pas oublié que la Fédération a laissé livrées à leur sort diverses catégories dont les MI/SE 3 et les emplois-jeunes. De façon générale, la FSU ignore la situation dramatique des précaires et se consacre essentiellement à la défense des fonctionnaires de la catégorie A.

Le mouvement de grève s’est développé grâce à différentes formes d’auto-organisation : assemblées générales souveraines, coordinations, structures interprofessionnelles... La FSU s’est souvent contentée d’accompagner le mouvement. Elle a en général ignoré, voire tenté de saboter les coordinations. Il aurait fallu s’appuyer sur la fraction la plus radicalisée du milieu pour pousser au déclenchement de la grève générale. C’est un choix inverse qui a été fait. Il a abouti à la déclaration de Gérard Aschieri 4 sur les « avancées significatives » obtenues dans la négociation, à la décision de faire passer le bac malgré la grève et à une défaite majeure sur les deux enjeux du mouvement : les retraites et la décentralisation.

La recomposition syndicale

Dans la CFDT, ce qui subsistait de partisans du syndicalisme de lutte, qui tentaient contre toute évidence de rester dans une organisation clairement engagée dans la collaboration de classe avec le Medef, se sont (enfin) décidé(e)s à partir. Vers la CGT, vers Sud ou vers la FSU. Dans ce dernier cas, il s’agit de structures syndicales des diverses fonctions publiques (ANPE, Territoriaux...) qui pensent ne pas se diviser en passant à la FSU. Ces syndicats ont souvent des pratiques correctes en ce qui concerne la précarité ou l’auto-organisation. Mais ils se font de grosses illusions sur la FSU qui est un empilement de syndicats nationaux souverains. La LCR a un projet concernant la recomposition syndicale. Il s’agit de constituer ce qu’ils appellent un « pôle de radicalité » avec la FSU, la gauche CFDT et SUD dont la LCR prendrait « naturellement » le contrôle. Ce projet (dont un dommage collatéral pourrait être l’éclatement de SUD-Éducation) a été freiné mais pas abandonné. Lors de ce congrès, la LCR n’a pas obtenu l’ouverture du champ de syndicalisation aux entreprises assurant des « missions de services publics ». Mais elle s’est alliée aux directions du Snes (syndicat FSU des enseignant(e)s du secondaire) et du SNUIPP (syndicat FSU des enseignant(e)s du primaire) pour obtenir l’élargissement du champ de syndicalisation qui couvre désormais les trois fonctions publiques. Pour le Snes et le SNUIPP, il s’agit (enfin) d’être pleinement « reconnus » dans toutes les instances de négociation ou de cogestion. Il s’agit aussi d’aller braconner sur les terres de la CGT ou de l’Union syndicale Solidaires (union syndicale qui regroupe notamment les SUD). Bien qu’elle s’en défende, la FSU veut grossir pour devenir à terme une sixième confédération, ce qui rajoutera un peu plus à l’émiettement actuel.

Une dérive qui s’accélère

Au congrès national de la FSU de Perpignan (du 2 au 6 février), trois des sept rapporteurs de la commission où l’on discutait de la recomposition étaient des dirigeants nationaux de la LCR (comité central et/ou secrétariat enseignant). Le deal entre les deux tendances dirigeantes de la FSU ne faisait pas de doute : ils ont voté avec une touchante unanimité contre les positions historiques de l’École Émancipée (référence à la charte d’Amiens, fédération d’industrie à la place des syndicats nationaux souverains...). L’ÉÉ-LCR a voté quasiment tous les textes avec le courant UA : pour l’entrée de la FSU dans la Confédération européenne des syndicats (CES) qui est clairement une officine libérale (voilà qui relativise la présence de la FSU dans les forums sociaux), pour un traitement social de la précarité, pour des classes de relégation où seraient regroupé(e)s les élèves en difficulté au collège. Elle a refusé de se prononcer contre la possibilité de faire entrer les syndicats de l’enseignement privé dans la FSU ou pour l’abrogation de la réforme LMD (Licence, master, doctorat) 5 de l’université contre laquelle les étudiant(e)s se battent. La LCR est devenu un véritable appareil dans la FSU avec des dizaines de militant(e)s partiellement ou totalement déchargé(e)s, occupant des postes clés. On les retrouve dans les négociations chez les ministres ou dans des colloques intitulés « Réussir la décentralisation ». Tout ceci n’a plus rien à voir avec le syndicalisme révolutionnaire.

L’opposition dans la FSU

La plupart des syndicats de la FSU ont perdu des adhérent(e)s après le mouvement social du printemps dernier, cela explique en partie la fuite en avant qui a été décidée pour maintenir et faire grossir l’appareil. À l’intérieur de la tendance UA, la résistance à l’opération de recomposition est venue du courant cégétiste, des nostalgiques du « communisme réel » et de quelques syndicats (Snep = Éducation physique, Snasub = Administration), certains supportant très mal le nouveau rôle de la LCR. Il existe aussi deux tendances trotskistes : PRSI liée au Parti des travailleurs (lambertiste) et Front unique liée à une dissidence ancienne de ce courant. Celles et ceux qui ont refusé la mainmise de la LCR dans l’École Émancipée ont été obligé(e)s de changer de nom. Dans la FSU, ils/elles s’appellent désormais Émancipation syndicale et pédagogique tout comme leur revue, qui a pris la succession de la revue École Émancipée. Cette tendance est intersyndicale avec des militants dans SUD, la CNT, la CGT, PAS (Pour une alternative syndicale), l’UNSA. À Perpignan, les motions et interventions d’Émancipation ont largement dépassé ses rangs et ont montré le sens et la cohérence de l’intervention de cette tendance dans la FSU et en dehors. Ses militant(e)s défendent toujours un syndicalisme lié aux formes d’auto-organisation, la grève générale, la titularisation sans condition de tou(te)s les précaires, une école laïque, polyvalente et polytechnique pour tous et toutes et l’unification syndicale avec un (véritable) droit de tendance.

Pierre Stambul

 
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