Extrême droite après mai 2002 : Un cadavre dans le placard




« Le Pen a gagné les élections », ainsi titrait, par provocation manifeste, la banderole d’Act-Up dans des manifestations après le second tour. Au vu de l’absence, prévisible et somme toute logique, de leçons tirées par la classe politique plus d’un an après le « séisme » du 21 avril 2002, on est tenté, avec l’amertume et l’inquiétude, de reprendre en chœur ce slogan.

L’extrême droite a pu se remettre sur le devant de la scène malgré la scission fratricide de 1998, sans même avoir eu besoin de mener campagne dans la période qui précédait la présidentielle.

En effet, la droite comme la gauche ont principalement cultivé le fonds de commerce sécuritaire, stratégie complaisamment amplifiée par les mass-médias. La conséquence logique a donc été la présence de Le Pen au second tour.

Ensuite, si la défunte « gauche plurielle », Jospin en tête, a été clairement sanctionnée pour sa politique libérale et ses trahisons, cela n’a manifestement pas été suffisant pour qu’elle accomplisse un quelconque retour critique sur les raisons de son humiliante défaite.

Enfin, concernant le mouvement antifasciste, le « sursaut » de l’entre-deux tours - avec la jeunesse descendue spontanément dans les rues et les gigantesques manifestations du 1er mai - n’a pas su se structurer pour perdurer, malgré le potentiel de ces mobilisations de masse. Le terrain reste ainsi délaissé par les organisations institutionnelles, pour qui l’extrême droite est manifestement devenue une question dérangeante. Elles préfèrent laisser pourrir le cadavre dans le placard…

Mais, rassurez-vous, nous avons à la tête de l’État le premier antifasciste de France, même si sa victoire s’est effectuée au prix d’une arnaque (le chantage) et d’une campagne de culpabilisation à l’encontre des abstentionnistes du premier tour. Depuis, le gouvernement réactionnaire en place, piloté par un maquignon et aidé d’une assemblée bleu horizon, nous montre chaque jour sa volonté d’endiguer durablement l’extrême droite ; Millon nommé ambassadeur auprès de la FAO, organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, en est un symbole encourageant.

Banalisation de l’extrême droite

Après ce 21 avril, des digues politiques ont sauté. La banalisation des idées de l’extrême droite a connu une nouvelle poussée décisive ; on ne peut que le constater sur les thèmes du sécuritaire, du racisme, de l’ordre moral, où les discours de la classe politique ne tentent même plus de se démarquer de l’extrême droite.

Le Front national ne peut que s’en frotter les mains, et prépare activement le terrain pour les deux prochaines échéances électorales qui lui sont traditionnellement favorables ; d’autant plus qu’avec la réforme du scrutin pour les régionales, les seconds tours dans certaines régions promettent des confrontations sérieuses. Rappelons-nous les alliances honteuses avec la droite dans plusieurs régions : Languedoc, Picardie, Bourgogne, Rhône-Alpes. Tout laisse à penser que la situation risque de se reproduire en s’amplifiant, notamment avec la question des identités régionales. Mais c’est sur la région Provence-Alpes-Côte d’Azur que le danger sera le plus fort !

Pour les élections européennes, le scénario est différent mais tout aussi menaçant. L’état des lieux européen n’est en effet guère encourageant [1]. En Italie et en Autriche, l’extrême droite est associée aux gouvernements sans que cela ne suscite les traditionnelles réactions molles et hypocrites de la part des autres pays membres de l’Union européenne.

De plus, un peu partout en Europe, l’extrême droite connaît une audience grandissante : Belgique, Pays-Bas, Suisse, Scandinavie, Balkans... Enfin, en Allemagne et en Grande-Bretagne, des groupuscules d’extrême droite sont particulièrement actifs favorisant des émeutes contre les immigrés. Il nous faut approfondir notre connaissance des possibles alliances des extrêmes droites européennes.

Vigilance et action antifasciste

L’actuelle aggravation de la politique de pillage capitaliste et de répression sociale, de casse des acquis sociaux et des services publics, les replis communautaires constituent autant de terrains sur lesquels le F-Haine ne peut que prospérer. Les mouvements sociaux et altermondialistes constituent certainement un bon antidote au fascisme. Cependant, les mois à venir doivent permettre une véritable remobilisation antifasciste assortie d’une vigilance dans tous les domaines.

Cette dimension devrait être largement présente dans le cadre du Forum social libertaire, à travers un débat spécifique et de manière transversale dans les autres débats. Au Forum social européen, une assemblée plénière sera également organisée ainsi que deux séminaires sur le thème « Quelle contre-offensive à la montée des extrême-droites et du populisme en Europe ? ».

Nous proposerons d’ailleurs sur la période qui court jusqu’aux élections une série d’articles thématiques sur l’extrême droite, approfondissant ainsi ce qui a été abordé ci-dessus.

Gabriel L.

[1Voir l’article « Vers un nouveau fascisme européen ? » paru dans Alternative libertaire d’avril 2002.

 
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