FSU : Dur dur de s’émanciper




Cent ans après la création de l’Ecole émancipée, la tendance intersyndicale Émancipation constitue l’opposition principale à l’orientation de plus en plus cogestionnaire de la FSU. Mais son score aux dernières élections internes est en baisse.

À l’occasion du congrès de la FSU, qui se déroule à Lille du 1er au 5 février, la liste et le texte d’orientation présentés par la tendance Émancipation a obtenu 3,7 %, contre 4,5 % en 2006. Malgré la stratégie suicidaire des journées de grèves mensuelles, suivies avec constance les dernières années, la tendance majoritaire, Unité et Action (U&A), ne perd qu’un point. Seule l’École émancipée (ÉÉ), qui remettait en cause cette stratégie, semble en sortir gagnante, en passant de 15,4 à 17,9 %.

Depuis sa création en 1910 sous la forme d’une revue, L’École émancipée a toujours eu un poids important dans le syndicalisme enseignant, remettant en cause le corporatisme et poussant à une intégration dans le syndicalisme ouvrier. Mais lors du congrès du SNES (syndicat majoritaire du second degré, premier syndicat de la FSU) en 2001 à Strasbourg, une partie de l’ÉÉ, alors menée par des militants de la LCR, accepte d’intégrer la direction du syndicat, dont elle critiquait pourtant les orientations. Ceux et celles qui refusent fondent alors, autour d’une revue du même nom, la tendance Émancipation, attachée aux principes de la charte d’Amiens et à l’aspect intersyndical. Si l’Émancipation rassemble aussi des militants et militantes de Sud, de la CGT, de l’Unsa ou de la CNT, c’est principalement au sein de la FSU qu’elle milite contre une majorité U&A-ÉÉ qui aconduit la fédération vers un modèle cogestionaire à l’américaine.

Vers le cimetière des éléphants ?

Lorsqu’en mai 2008, la direction de la FSU propose de signer le texte de Fillon sur le dialogue social et n’obtient pas la majorité qualifiée de 70 % au conseil délibératif fédéral national, l’École émancipée accepte d’apporter les voix manquantes dans un nouveau vote sur le même sujet. Refusant de rentrer dans ce jeu, Émancipation est souvent cantonnée dans un rôle marginal par la majorité. Ses propositions concernant la répression et la solidarité, presque toujours seules sur ces sujets, sont plus souvent reprises. Elle a notamment joué un grand rôle dans la participation de la FSU aux campagnes de soutien aux militants qui subissent la répression (Roland Veuillet, Sami Benméziane ou Erwan Redon…)

Par un travail militant important, dans les établissements scolaires et les sections syndicales, Émancipation s’est aussi donné les moyens de peser dans les luttes, de présenter un autre visage de la FSU. Mais l’orientation de la FSU incite certains syndicalistes combatifs à choisir plutôt Sud ou la CNT, voir à arrêter le militantisme. Beaucoup d’autres se réfugient dans une protestation « acceptable » en votant pour l’École émancipée. Dans une FSU vieillissante et corporatiste, parfois nostalgique de la notabilité de l’instituteur de la IIIe République, les positions égalitaires et anti-hiérarchiques d’Émancipation ont du mal à ébranler une bureaucratie qui range le syndicalisme de lutte au musée.

Renaud (AL Alsace)

 
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