Faut-il se passer de l’énergie éolienne ?




Depuis les années 1970, le courant communiste libertaire défend une politique énergétique favorisant les économies ­d’énergie, le solaire et les autres énergies renouvelables, dont l’éolien. Pourtant Alternative libertaire a publié des articles dénonçant certains projets d’éoliennes. Pour quelle raison  ? Remettons cette question dans son contexte économique et écologique global.

Le capitalisme pourrait-il faire mieux avec moins  ? Dans les années 1970, des gens comme l’anarchiste Murray Bookchin (1921-2006) et l’écologiste Barry Commoner (1917-2012) ont montré qu’il en était incapable par nature. Le capitalisme repose sur un principe fondamental  : les capitaux doivent aller vers les activités les plus lucratives. Protéger la planète supposerait au contraire de faire primer les rythmes biologiques sur les taux de profit.

Or, comme le montre le journa­liste Grégoire Souchay, l’éolien «  reste marqué, comme les autres industries, par un univers capitaliste prédateur et par une logique d’appropriation économique d’un espace commun pour servir des intérêts privés  » [1].

Des projets qui ne sont pas au service des populations

Rappelons que les prélèvements sur les ressources naturelles ne cessent de croître  : + 65 % entre 1980 et 2007. Ce qui n’est pas principalement dû au développement des pays pauvres. Les États occidentaux ont délocalisé une part des pollutions et de la consommation de ressources. Aussi, en 2002, la superficie dont la population planétaire a besoin – pour produire les ressources qu’elle consomme et pour assimiler les déchets qu’elle rejette – s’établissait à 138 % de la surface bioproductive totale. Depuis le début des années 2010, elle dépasse 150 %.

«  En dépit de la multiplication des éoliennes et des panneaux photovoltaïques ces quinze dernières années, relevait Le Monde diplomatique de 2016, le capitalisme n’est donc pas plus vert que par le passé. […] Les énergies renouvelables ne font que s’ajouter aux modes de production polluants, plutôt que de s’y substituer  » [2]. Les projets éoliens portés par le capitalisme ne contribuent en rien à une diminution de ce que l’on appelle l’empreinte écologique de l’humanité.

Parfois destinés exclusivement à l’exportation, ces projets se traduisent pas la destruction de terres agricoles et suscitent des oppositions locales conséquentes [3]. Les méthodes mises en œuvre pour les imposer bafouent toute forme de démocratie locale et recourent à une violence policière importante.

Le développement actuel de l’éolien ne s’intéresse à un «  gisement éolien  » que pour maximiser les profits. Le marché de l’éolien se transforme, du fait «  de nombreuses innovations techniques permettant d’accroître la taille des pales, la hauteur des mâts et la puissance des turbines  » [4]. La production peut être quatre fois plus importante qu’avec les générations précédentes d’éoliennes.

Des choix techniques discutables

De nombreux groupes industriels choisissent d’équiper leurs turbines d’éoliennes d’aimants dopés avec des métaux rares. Ce sont aussi ces derniers qui sont aussi utilisés dans les batteries, les pots catalytiques, les ampoules basse consommation, les composants des appareils électroniques, les photopiles... Les choix techniques effectués par le capitalisme font aujourd’hui dépendre l’ensemble des «  technologies vertes  » de ces mêmes métaux.

L’extraction et le raffinage en sont extrêmement polluants. Leur recyclage représente actuellement un coût supérieur à leur valeur… Ce qui conduit à ne pas recycler. Le dumping social et environnemental pratiqué par la Chine a permis à l’Occident de délocaliser sa pollution. «  Dissimuler en Chine l’origine douteuse des métaux a permis de décerner aux technologies vertes et numériques un certificat de bonne réputation. C’est certainement la plus fantastique opération de greenwashing de l’histoire  », écrit Guillaume Pitron  [5].

Le collectif Toutes nos énergies Occitanie, qui agrège un grand nombre d’associations locales anti-éoliennes a élaboré un scénario de transition sans éoliennes nommé Reposta. Mais «  il ne s’agit pas d’un scénario 100 % énergies renouvelables, car Reposta intègre dans son mix une part de nucléaire et d’énergies fossiles  » [6].

L’association NégaWatt  [7] n’a pas la même position. Paul Neau, qui a participé au volet éolien du scénario négaWatt rappelle  : «  L’éolien est la technologie la plus rentable et la moins chère pour produire de l’électricité renouvelable.  » Même avis pour Benoît Praderie, gérant de la coopérative Soleil du Midi gérant le parc solaire citoyen de Luc-sur-Aude. Cette technologie est «  la meilleure solution technique, mathématique et économique  », estime-t-il  : «  L’éolien n’est pas l’homme à abattre.  »

Mais nous restons partisans de l’énergie éolienne.

Guillaume Pitron fait un point sur l’immense potentiel en terres rares des mines françaises en sommeil depuis les années 1980 et souligne également l’incohérence des ONG écologistes qui dénoncent les conséquences, minières notamment, de la transition qu’elles promeuvent. Il se fait lui-même l’avocat d’une «  mine responsable chez nous  » qui vaudra toujours mieux qu’une «  mine irresponsable ailleurs  ».
Il ne faut pas se tromper de débat. Les nuisances et pollutions potentielles liées aux énergies renouvelables – qu’il faut combattre – ne doivent pas conduire à s’accommoder de technologies encore plus destructrices. Notre combat s’inscrit dans une lutte contre la division internationale du travail et contre la propriété privée des moyens de production. Car là est le creuset des choix économiques et technologiques qui permettent de faire durer la logique destructrice du capitalisme.

Il est raisonnable de combattre certains projets éoliens. Mais il est nécessaire, pour s’engager dans une véritable transition énergétique, de soutenir les projets éoliens portés localement et au service de la population. Les choix technologiques peuvent évoluer, d’autres méthodes d’extractions et de raffinage des métaux sont possible. Et oui, dans une société écologique nous aurons besoin d’énergie et celle apportée par l’éolien sera irremplaçable.

Jacques Dubart (AL Nantes)

[1Grégoire Souchay, «  La nouvelle géographie de l’éolien français  », Mediacites.fr, 29 mai 2018.

[2Aurélien Bernier «  Comment la mondialisation a tué l’écologie  », Le Monde diplomatique, septembre 2016.

[3« Ôte tes grosses pales de là  », Alternative libertaire, mars 2018.

[4Grégoire Souchay, op. cit.

[5Cité dans «  Les métaux rares, le visage sale des technologies “vertes”  », Reporterre, 10 février 2018.

[6Grégoire Souchay, Reporterre, 4 juillet 2018.

[7L’Association NégaWatt se donne pour objectif de montrer qu’un autre avenir énergétique est souhaitable pour la société et réalisable sur le plan technique.

 
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