Féminisme : Marcher la nuit pour ne plus se faire marcher dessus le jour




Le 14 juin à Paris, un collectif « de filles, de femmes, de féministes et de lesbiennes » organisait une marche de nuit composée exclusivement de femmes. Récit.

Le 14 juin, plusieurs centaines de femmes ont marché dans les quartiers parisiens des Buttes-Chaumont, de Belleville, d’Oberkampf et jusqu’à la rotonde de la place Jean-Jaurès, pendant plus de trois heures pour faire entendre leur voix, exiger leur place dans l’espace public, de jour comme de nuit et dénoncer les violences faites aux femmes, tant dans l’espace public que privé. Florilège de slogans : « L’assassin ne sonne pas, il a les clefs » (la grande majorité des assassinats de femmes sont le fait d’hommes de leur entourage) ; « Quand une femme dit non, c’est non » ; « Dans tous les pays, dans tous les quartiers : liberté de circuler, sans être emmerdées, sans être insultées, sans être agressées ». Mais cette marche contre les violences patriarcales se voulait également anti-capitaliste. Comme le soulignait le texte d’appel : « 98 % des propriétaires des moyens de production dans le monde sont des hommes, alors que 70 % de la production est assurée par des femmes » et anti-sécuritaire : « Nous refusons la récupération de ces violences par les pouvoirs publics et politiques à des fins racistes et de contrôle social, au nom de la sécurité des villes. »

La marche était non mixte. Il ne s’agit pas d’un principe systématique des luttes féministes – l’exclusion des hommes n’est pas un objectif – mais il y a des moments dans la lutte, certaines actions, qui ne peuvent être menés que par les femmes elles-mêmes et elles seules.

Et l’expérience est parlante : il n’est pas beaucoup plus évident de se balader la nuit à 200 qu’avec deux copines ! On se fait mater, siffler, commenter, filmer, par les mecs qui peuplent seuls les rues dès la nuit tombée. Forcément à 200 on réplique plus facilement qu’à trois et aux abords de la manif le ton est monté plus d’une fois, on en est parfois venu aux mains. Dans ces moments-là le slogan « Les femmes dans la rue » s’est vite vu complété d’un « Les hommes à la maison » qui a obtenu les applaudissements de quelques femmes à leurs fenêtres.

À pleins poumons

Les slogans les plus virulents, qui au début de la marche n’étaient guère repris parce qu’ils semblaient à certaines peu judicieux, sont gueulés à plein poumons après qu’un vigile de bar ait gazé la moitié de la manif et qu’un automobiliste ait essayé de nous foncer dessus : « Eh man, si tu frappes une femme, prends garde qu’un jour elle te défonce le crâne ! » Dans le cas de ce dernier, ce sont les pneus qui ont souffert…

La manif avait également une tonalité internationaliste – notamment une référence à la manif de 150 000 Italiennes à Rome le 24 novembre 2007 – et de soutien aux femmes sans papiers : « La violence sur les femmes n’a pas de nation, la solidarité est la seule solution », « Étouffées dans les avions, violées en rétention, sans-papières expulsées, sans-papières assassinées ».

L’organisation en large collectif, regroupant des individues organisées ou non, fait de ce type de manifestation un bon outil ponctuel, à la fois de visibilisation et de motivation. À faire et à refaire toujours plus nombreuses !

Émilie (Paris)

 
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