Festival : Cinémed




Le Cinémed est le festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier. Au-delà de la seule diffusion, le festival organise des échanges autours des films de son programme en invitant les réalisateurs à présenter leurs œuvres et débattre.

Le programme est hétéroclite et divisé en plusieurs thématiques : avant-premières, hommages, longs et courts métrages, documentaires, animations, expérimentales. Il comporte près de 200 films dont le point commun est une zone géographique. Ainsi le panel s’étend de film à gros budgets tels que Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier, à des petits films expérimentaux en passant par une copie restaurée de Scarface.

Le Cinémed n’est pas un festival populaire. Il s’adresse à un public cultivé, et plutôt expert en cinéma. Tel que l’a dit le président Henri Talvat lors d’une conférence [1] : « Feu George Frêche aurait souhaité voir le Cinémed détrôner le festival de Cannes ». Or cette orientation conduit à attirer un public de plus en plus expert et surtout de marque.

Parler du Cinémed dans Alternative libertaire prend du sens si l’on s’arrête sur la programmation. En effet, la zone géographique couverte par le festival a connu ces dernières années plusieurs secousses politiques. Or le cinéma est souvent un reflet de la vie sociale et politique, il peut l’illustrer parfois bien mieux que des mots.

La crise et les révolutions arabes

C’est le cas notamment du court métrage Course contre la montre [2], film grec qui aborde sur un ton ironique l’ampleur de la crise que connaît le pays, et exprime par là même la nécessaire solidarité qu’elle impose pour survivre. D’autres films, tels La Femme à la caméra [3] ou Terre d’écueil [4], abordent des thématiques sociales, comme la place des femmes dans une société islamique et l’intégration en Israël.

Cependant, le cinéma n’est pas l’actualité. Il connaît un décalage imposé par le temps de production. C’est ainsi que cette année, le Cinémed a été marqué par des événements qui se sont déroulés il y trois ans : les révolutions arabes. Au regard des 200 films présentés, les quelques films qui abordaient cette thématique sont peu nombreux. Pourtant, ils jalonnaient suffisamment la programmation du festival pour rappeler à tous les évènements de 2011. D’autant plus que le film qui a remporté l’Antigone d’Or, Rags and Tatters [5] est au cœur de cette thématique : un prisonnier égyptien a l’occasion de s’évader grâce à une manifestation. Son camarade mourant lui confie un téléphone portable sur lequel une vidéo montre les responsables de la mort de dizaines d’Égyptiens lors d’une fusillade. Si dans ce film la révolution égyptienne est au premier plan, d’autres films tels Ladder to Damascus
 [6] ou C’est eux les chiens [7] racontent une histoire sur fond de révolution.

Marine (AL Montpellier)

The Lab : un film à diffuser

L’un des films diffusés au festival Cinémed mérite l’attention : The Lab-Vendeurs de guerre.

Pour Yotam Feldman, il s’agit dans ce film de montrer une impasse de la politique du gouvernement israélien : la guerre avec les Palestiniens est aujourd’hui devenue indispensable à l’économie israélienne. Cisjordanie et Gaza sont le laboratoire des armes israéliennes, leur marque de fabrique. « Quand Israël vend une arme, elle a déjà été testée. »

Alternative libertaire a eu la chance de pouvoir interroger le réalisateur : « Le travail sur ce film a commencé durant mon expérience en tant que journaliste à Haaretz Magazine. Je me suis alors rendu compte de connexions entre l’armée et la politique, l’armée et l’économie. En me documentant, j’ai commencé à penser qu’il y avait quelque chose d’un peu répugnant : le profit qui provient de l’occupation. Les gens sont vraiment habitués à dire que cette occupation est défensive, qu’on ne veut pas leur faire de mal, que ça coûte beaucoup d’argent. Peu de gens se rendent compte que c’est là une façon de contourner la vérité, le fait que qu’en réalité cela rapporte beaucoup d’argent, le fait que cela est profitable, les gains que cela rapport à l’industrie de l’armement et le fait qu’au moins 150 000 familles Israéliennes dépendent de l’occupation. Je pense que c’est ça qui m’a amené à creuser plus loin. Et il y a eu aussi l’opération Plomb durci, la plus grosse opération des Israéliens sur la bande de Gaza, (…) j’ai alors commencé à penser qu’il était évident qu’il s’agissait d’une guerre d’un genre différent. D’une guerre ou le ratio entre les pertes palestiniennes et celles israéliennes était impensable, de 1 pour 100. douze soldats Israéliens tués pour 1200 Palestiniens(…) C’est une guerre dont personne en Israël n’a vraiment conscience, même si cela se produit très près de nous. Le prix pour cette guerre est devenu vraiment ridicule, ça devenait vraiment facile de lancer cette opération et c’est pourquoi j’ai pensé qu’elle était en fait aujourd’hui profitable et que la vie économique d’Israël est en réalité dépendante de cette guerre et de son profit. »

Si l’on doit tirer son chapeau à Yotam Feldman. c’est en grand partie pour les interviews qu’il a effectuées : philosophes militaires, mathématiciens et autres lieutenants parlent librement de la place d’Israël dans la vente d’armes internationale, et dans la recherche militaire. Rapporter de l’argent à son pays en tuant les habitants d’un autre n’est plus un tabou aujourd’hui en Israël.

Marine (AL Montpellier)

[1Table ronde Matteo Garrone.

[2Course contre la montre, de Dimitra Nikolopoulou, Grèce, 2012, 10 minutes, court métrage.

[3La Femme à la caméra, de Karima Zoubir, Maroc, 2012, 59 minutes, documentaire.

[4 Terre d’écueil, de Uri Kranot, Michal Kranot, France/ Danemark/Canada, 2013, 14 minutes, animation.

[5Rags and Tatters, de Ahmad Abdalla, Égypte, 2013, 1 heure et 27 minutes.

[6Ladder to Damascus, de Mohamed Malas, Syrie/Liban/Qatar, 2013, 1 heure 35.

[7C’est eux les chiens, de Hisam Ladri, Maroc, 2013, 1 heure 25.

 
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