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Irak : la sale besogne des peshmergas contre la gauche kurde




Erdogan a le bras long, et tout est bon pour étrangler le Kurdistan. Après que son armée a envahi le nord de la Syrie, son allié Massoud Barzani met la pression sur le Sinjar, jusque là défendu par les milices de la gauche kurde.

Le 3 mars, 500 peshmergas, les soldats du Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) ont attaqué la ville de Khanasor, dans la région hautement symbolique du Sinjar, en Irak [1].

On a dénombré plusieurs morts et blessés. L’attaque a été repoussée, mais la vigilance reste de mise.

Rappelons que le Sinjar est le foyer des Yézidis, une minorité religieuse considérée comme « satanique » par les djihadistes de Daech. A l’été 2014, les peshmergas qui tenaient la région s’étaient enfuis devant l’avancée de Daech, abandonnant les populations yézidies au sort que leur promettait les djihadistes : l’extermination pour les hommes, l’esclavage pour les femmes.

La population yézidie n’avait dû son salut qu’à la contre-offensive spectaculaire menée par les combattantes et les combattants du PKK et des YPG-YPJ, qui avaient stoppé Daech et sécurisé le mont Sinjar.

Par la suite, la gauche kurde a encouragé l’auto-organisation des Yézidis, qui se sont dotés de leurs propres unités d’autodéfense, armés et entraînés par le PKK : les YBŞ (hommes et femmes) et les YJŞ (femmes).

Ce sont les YBŞ qui ont repoussé l’attaque des peshmergas, et en ont capturé plusieurs.

Miliciens YBŞ à Sinjar.
cc Aranews.net

Enclaves rouges en Irak

Avec Maxmûr [2] ou les monts Qandil, le Sinjar constitue un des points d’appui de la gauche kurde en Irak, contrariant fort les pouvoirs en place à Bagdad, à Ankara et à Erbil, la capitale du GRK où règne Massoud Barzani, un potentat dans l’orbite d’Erdogan. En janvier, un rapprochement entre les présidents turc et irakien a ouvert la voie à cette tentative de reprise en main du Sinjar [3].

On voit aujourd’hui le résultat.

Triste spectacle que ces peshmergas, encensés l’an passé dans un film de BHL [4], qui tirent sur leurs rivaux de gauche, alors qu’à quelques dizaines de kilomètres de là, Daech poursuit ses exactions.

Menace turque sur Manbij

L’attaque du Sinjar éclate alors que l’armée turque et ses supplétifs islamistes de l’Armée syrienne libre (ASL) se sont emparés de la ville d’Al-Bab le 27 février, après plusieurs mois de combats contre Daech. A présent, les troupes d’Erdogan visent la ville de Manbij, tenue par les Forces démocratiques syriennes (FDS, coalition arabo-kurde). Pour déjouer cette menace, les FDS ont préféré reculer de plusieurs kilomètres, laissant les troupes de Bachar el Assad se glisser entre elles et les troupes turques. Russes et Américains ont avalisé ce tour de passe-passe pour limiter les affrontements.

Et le fait est là. Al-Bab, Manbij, Sinjar : en plusieurs endroits, l’État turc et ses alliés démontrent que Daech n’est, pour eux, qu’un adversaire secondaire. Leur objectif premier est d’éradiquer la gauche kurde et d’étrangler ce symbole démocratique et anticolonialiste que constitue le Rojava/Fédération Démocratique du Nord de la Syrie [5].

Guillaume (AL Montreuil), Étienne (AL 92), le 9 mars 2017

[2Lire « À Maxmur, l’autogestion est un sport de combat », Alternative libertaire, janvier 2017.

[3Allan Kaval, « Ankara et Bagdad renouent le dialogue sur le dos du PKK », Le Monde, 9 janvier 2017.

[4Bernard-Henri Lévy, Peshmergas, 2016.

[5La Fédération Démocratique du Nord de la Syrie englobe l’ensemble des populations libérées par les FDS, qu’elles soient arabes, kurdes, arméniennes, syriaques, musulmanes, chrétiennes...

 
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