Italie : les migrant.es perdent leur « protection divine »




L’extrême droite au pouvoir a eu raison d’une initiative de solidarité avec les migrant.es. Mi-octobre, le squat Chez Jésus à la frontière franco-italienne a été expulsé par les carabiniers.

Clavière est un petit village italien, station de ski d’une centaine d’habitant.es dont la population peut se voir démultipliée en haute saison. Enclavé dans les montagnes, Clavière est le dernier point d’étape avant la frontière française. Seulement un petit kilomètre sépare le dernier arrêt de bus du poste frontière français, distance plus courte encore si l’on passe par la montagne. C’est ici que s’est ouvert en février 2018, dans une annexe située sous l’église du village, le squat Chez Jésus.

Chez Jésus était un lieu d’aide, de refuge et de solidarité. Le collectif l’ayant ouvert, constitué de militants français et italiens, travaillait d’arrache-pied pour venir en aide aux réfugié.es venant d’Italie et voulant rejoindre la France. Dernier lieu avant la frontière, Chez Jésus était un lieu où les réfugié.es pouvaient se reposer, se sustenter et s’équiper avant d’entreprendre la longue marche de plusieurs heures permettant de rejoindre Briançon, à plusieurs kilomètres de là, ou bien de revenir après s’être fait refouler par la police aux frontières. Le travail de ces militants et militantes était d’une utilité quasi-vitale pour nombre de réfugié.es, que cela soit dans l’aide juridique ou matérielle. Dans un contexte où, rien que cette année, au moins trois réfugié.es ont trouvé la mort dans cette partie de la montagne, il est inconcevable de minimiser l’impact qu’a pu avoir ce collectif sur la survie même des personnes. Malheureusement, tout cela s’est arrêté le 10 octobre, suite à l’expulsion du squat dans le bruit des bottes des carabinieri, les gendarmes italiens au costume noir.

Le squat bénéficiait jusqu’alors d’une «  protection christique  ». En effet, la politique anti-squat en Italie est plus sévère qu’en France. Il ne suffit pas d’avoir une facture ou de changer les serrures, la police peut très bien venir défoncer la porte et mettre tout le monde dehors de sa propre initiative. Mais, dans le cas de Chez Jésus, le fait d’être dans une église protégeait jusqu’alors de l’expulsion. En Italie, on écrase les droits humains les plus élémentaires mais on ne se permettrait pas de piétiner les propriétés de la Sainte Croix. Et l’Église ne pouvait donner son autorisation pour l’expulsion du lieu, bien que le prêtre local n’ait pas été très enclin à avoir des militantes et militants anarchistes comme voisins. Cette forme de protection religieuse temporaire a donc permis aux camarades de militer durant plusieurs mois.

Le Vatican autorise l’évacuation

L’arrivée de l’extrême droite au pouvoir semble avoir changé la donne. On suppose que le ministre de l’Intérieur Salvini a pressé le Vatican d’autoriser l’évacuation. La protection divine s’en est allée. Le collectif animant Chez Jésus s’est alors retrouvé sur le parking à la vue de tous, à dormir dehors sur le bitume par une température avoisinant 0°C la nuit. Comme souvent durant les périodes difficiles de stress, de fatigue et de pression, des dissonances sont apparues après l’expulsion et le collectif en a été fortement affecté. Les autorités les ont laissés sur le parking pendant plusieurs jours avant de les expulser définitivement le 15 octobre. Cette répression a pour objectif de réduire tout mouvement de solidarité envers les migrantes et migrants. Les autorités essayent inlassablement de saper toute tentative politique de lutte contre le traitement inhumain des réfugié.es, en arrêtant, en expulsant, en tabassant, en jugeant et en emprisonnant des militants.

Chez Jésus ne ressuscitera peut être pas. Mais ne sous-estimons pas nos forces et notre pugnacité à faire ce qui est juste et à vivre nos idéaux. Il faut affirmer notre solidarité avec nos camarades qui luttent au jour le jour à la frontière. Leurs montrer qu’ils et elles ne sont pas seul.es et que leurs actions ne sont pas vaines  : d’autres collectifs et d’autres squats verront le jour et agiront contre les politiques identitaires et racistes et pour aider les réfugié.es face l’Europe forteresse.

Jack (AL Saint-Denis), depuis Clavière

 
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