Kurdistan irakien : L’inconséquence de Barzani, la consternation du PKK




En organisant, le 25 septembre, un référendum d’indépendance, le président du Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) d’Irak, Massoud Barzani, pensait faire un bon calcul. Ce fut une pantalonnade qui a surpris même ses rivaux.

Alors que son mandat avait expiré depuis deux ans et que la contestation montait, l’opération référendaire sur l’indépendance pouvait rasseoir l’autorité de Massoud Barzani sans qu’il ait à passer par la case élection. Le moment semblait bien choisi : Daech ne menaçait plus assez pour interdire la tenue d’un scrutin, mais encore ­suffisamment pour occuper l’armée irakienne ailleurs.

Le prix à payer serait certes une crise diplomatique carabinée avec les partenaires du GRK, tous hostiles à cette aventure : les parrains turc et états-unien d’une part, le gouvernement de Bagdad et son mentor iranien d’autre part, sans parler de la désapprobation unanime de la Russie, de l’Union européenne, de l’Arabie saoudite… Mais pour le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Barzani, le coup semblait jouable. Comme le « oui » serait massif, il apparaîtrait comme le champion de la cause kurde sur la scène internationale. Les partis d’opposition (Goran et l’Union patriotique du Kurdistan), malgré leurs réticences sur ce référendum, ne pourraient que s’incliner devant la vox populi et soutenir Barzani dans l’adversité.

Le référendum, par ailleurs, avait de quoi déclencher l’ire du gouvernement de Bagdad, car il ne portait pas exclusivement sur l’indépendance du GRK dans le cadre des frontières fixées en 2005, mais également sur l’ensemble des territoires occupées par les peshmergas à la faveur de la débandade de l’armée irakienne face à Daech, à l’été 2014. Et parmi ces territoires : le Sinjar et la grande ville de Kirkouk, la « Jérusalem kurde »… et ses champs pétrolifères.

Résultat des courses : 72 % de participation, 93 % de « oui ». S’en sont ensuivies, comme attendu, des mesures de rétorsion de la part de la Turquie, de l’Iran et de l’Irak. Puis la menace d’une intervention militaire conjointe. Mauvaise surprise : les États-Unis ont alors affiché leur neutralité. « Les peshmergas sont prêts à se battre » ont crânement affirmé le PDK et l’UPK.

L’armée Irakienne et les milices Chiiyes ont chassé les peshmergas du Sinjar, et mettent la pression - pour l’instant sans succès - sur les milices YBS-YJS.
Celles-ci créees sur le modèle des YPG-YPJ de Syrie, ont été formées par des yézidis rescapés de la tentative génocidaire de Daech à l’été 2014.

Seul le PKK a résisté à Kirkouk

Dans cette configuration inédite – le PDK défiant Ankara –, le PKK, qui cherche à élargir son audience en Irak, a offert son appui. Un millier de ses combattantes et combattants sont donc « descendu.es de la montagne » dans une ribambelle de pick-up pour prendre position aux abords de Kirkouk. C’est avec consternation qu’ils ont vu les peshmergas décamper sans les prévenir, le 16 octobre, dès le début de l’assaut de l’armée irakienne et des milices chiites ! Après avoir résisté quatre heures avec quelques unités de l’UPK écœurées par l’abandon de leurs chefs, les forces du PKK se sont retirées.

Dès le 19 octobre, comme en un scénario prévu à l’avance, les peshmergas étaient revenus derrière les frontières de 2005 du GRK, et Barzani proposait des pourparlers. D’indépendance, il n’est plus question.

Barzani sort terriblement affaibli de cette pantalonnade ; l’UPK, plus conciliante avec Bagdad et Téhéran, devrait voir son rôle renforcé dans un Kurdistan bien arrimé à l’État irakien.

Dans ces circonstances, il va être difficile au PKK d’empêcher le retour des soldats irakiens au Sinjar, où la gauche kurde est implantée depuis 2014 avec, notamment, les milices yézidies YBS-YJS. C’est aussi, pour elle, la preuve qu’il n’y a rien à attendre des États-Unis, qui sacrifieront toujours leurs « amis » kurdes à leur alliance avec la Turquie. Ankara n’aura pas manqué d’enregistrer ce signal, alors qu’en Syrie la destruction prochaine du califat va grandement diminuer la valeur de la gauche kurde aux yeux de Washington.

Guillaume Davranche (AL Montreuil)

 
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