Les Classiques de la subversion : Wilhelm Reich « La Psychologie de masse du fascisme »




La Psychologie de masse du fascisme est un ouvrage de Wilhelm Reich, l’un des fondateurs du freudo-marxisme. Ce courant a pour objectif de faire une synthèse entre les pensées de Freud et de Marx. Il pose les bases d’une économie sexuelle, qui analyse la sexualité et ses liens avec les structures sociales.

Ce livre est paru en 1946, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Il a pour ambition de comprendre comment le fascisme a pu se développer, et surtout conquérir une telle audience de masse, jusqu’à prendre le pouvoir.

La plupart des analyses marxiennes du fascisme (aujourd’hui tombées dans l’oubli) mettaient l’accent sur des facteurs économiques comme la crise et les liens organiques entre partis fascistes et la grande bourgeoisie. Un exemple de ce type d’analyse est l’excellent Fascisme et grand capital de Daniel Guérin. Reich ne remet pas en cause la justesse de ces analyses, mais pense que le fascisme n’est pas seulement explicable par des facteurs économiques et rationnels.
Pour lui, le fascisme se développe sur un sombre terreau, tapi dans l’inconscient collectif.

Il est composé de structures sociales et psychologiques comme par exemple la famille autoritaire. Plus largement, ce seront tous les mécanismes de contrainte du désir, de la libido qui vont créer les conditions psychologiques. C’est grâce à eux que les classes moyennes et certains pans de la classe ouvrière vont se tourner vers l’idéologie nauséabonde qu’est le nazisme.

Cet appareil de contrainte psychologique va brimer et aliéner la nature réelle de l’être humain. Reich nomme cette configuration particulière d’autoritarisme et de frustration sexuelle : la peste émotionnelle, qui selon lui, va être la caractéristique première du fascisme.

Non content d’analyser et de critiquer, Reich va aussi proposer la création d’une économie sexuelle. Elle va viser à se débarrasser des contraintes sociales, afin d’arriver à créer un être humain réellement émancipé socialement et sexuellement. Il en profite au passage pour critiquer vertement l’URSS et le KPD (Parti communiste allemand) dont il est un ancien membre.

On pourra lui adresser une critique : l’économie sexuelle vise à retrouver un « homme » pur et sain délivré des frustrations de la civilisation. Or on peut douter de l’existence de celui-ci, de même que de l’existence d’une « bonne » nature humaine sous la crasse de la civilisation.
Cela rejoint le mythe du « bon sauvage » de Rousseau. Nous ne pensons pas que la nature humaine existe en soi, mais qu’elle est construite par les conditions de vie des êtres humains…

À part cette critique, l’ouvrage n’en reste pas moins très intéressant. C’est une peinture très fine des conditions qui ont permis au fascisme de se développer ainsi qu’une réflexion sur la contrainte et la sexualité.

Matthijs (AL Montpellier)

• Wilhelm Reich, La Psychologie de masse du fascisme, Payot, 1998, 10 euros.

 
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