Lire : Beaud, « La France invisible »




Dans les médias, de nos jours, la division de la société en classes sociales est généralement occultée. La représentation classique de la société est celle d’une immense et hégémonique classe moyenne. De façon fantasmatique, les seuls pauvres qui sont représentés sont ceux des « cités », assimilés d’une part à des « classes dangereuses » et d’autre part à l’« immigration ».

Il en ressort une vision harmonieuse dont les seules fausses notes proviendraient de l’existence de ghettos explosifs. Dans La France invisible, Stéphane Beaud montre que la réalité sociale est tout autre. Les classes populaires (ouvrier-e-s et employé-e-s) représentent la grosse majorité (60 %) de la population active, contre 30 % pour les classes moyennes. Cela sans compter les immigré-e-s clandestin-e-s, les chômeur-se-s et les RMIstes.

Chaque chapitre du livre comporte des entretiens et des conclusions générales sur le sort du groupe social abordé. Stéphane Beaud entend donner un coup de projecteur sur toutes ces populations qui, en plus d’être exploitées économiquement, sont « masquées, volontairement ou non, par les chiffres, le droit, le discours politique, les représentations médiatiques, les politiques publiques, les études sociologiques ou se retrouvent enfermées dans des catégorisations dépassées qui occultent leurs conditions d’existence ». Ces précaires du public ou du privé, ces salarié-e-s SDF, ces homosexuel-le-s qui représentent la moitié des suicides adolescents, ces salarié-e-s licencié-e-s qui ne retrouvent que des emplois au rabais, ces « femmes au foyer » qui sont en fait des chômeuses, ces ouvrières et ouvriers exposés aux maladies professionnelles et aux accidents du travail, ces banlieusard-e-s anonymes, ces prostitué-e-s…

Le cas des sans-papiers, qu’on ne voit dans les médias que comme des intrus à expulser, est édifiant. Beaud montre que, loin d’être des parasites, elles et ils sont la fraction la plus exploitée du prolétariat, contraint-e-s d’accepter des salaires bien en dessous du Smic et des horaires bien au-dessus des 35 heures.

Matt (AL Aix)

  • Stéphane Beaud, Joseph Confavreux, Jade Lindgaard, La France invisible, éd. La Découverte, octobre 2006, 647 pages, 24,70 euros.
 
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