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De Fernand Doukhan, figure de l’anarchisme algérien d’après 1945, on savait jusque récemment peu de choses. Militant algérois de la Fédération anarchiste, puis secrétaire du Mouvement libertaire nord-africain (MLNA) entre 1951 et 1956, « déporté dans le sud algérien » par l’armée française pour son activité indépendantiste. Puis plus rien. On perdait sa trace.

C’est sa nièce, Nathalie Funes, rédactrice au Nouvel Observateur, qui, s’interrogeant sur le parcours de ce vieil oncle grognon, décédé en mai 1996, et militant lambertiste forcené, nous permet aujourd’hui d’en savoir davantage. Après plusieurs mois d’investigation, en s’appuyant sur les témoins survivants, les archives policières et militaires, elle a retracé l’itinéraire de Fernand Doukhan. Algérois d’origine juive berbère, il est le « premier homme de la famille à naître français » (décret de 1870 octroyant la nationalité française aux indigènes juifs), le « premier à ne pas porter un prénom hébraïque, et premier à devenir instituteur et non colporteur ou matelassier ». Révolté par l’injustice, pénétré d’idéaux émancipateurs, il devient anticolonialiste intransigeant, puis anarchiste. Dès avant la guerre, il anime la section algéroise de la Solidarité internationale antifasciste.

Mobilisé en 1939, et fait prisonnier, il passe toute la guerre au stalag, dissimulant soigneusement sa judéité. Dix-huit ans plus tard, il est de nouveau prisonnier, de l’armée française cette fois.

Pour avoir suivi le mot d’ordre de grève générale lancé par les organisations indépendantistes, il est arrêté à son domicile par les paras. A cette date, le MLNA, dont il était le secrétaire, s’est déjà dissout. Interné pendant quatorze mois au camp de Lodi, où sont parqués les pieds-noirs subversifs, Doukhan est ensuite exilé en France. Il ne remettra jamais les pieds dans son pays.

Guillaume Davranche (AL 93)

 
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