Loi de février 2005 : Fausse victoire sur le front anticolonial




Après deux mois de tergiversations, sous la pression de la mobilisation croissante d’historien(ne)s, d’associations, syndicats et organisations politiques, notamment dans les Dom-Tom, Chirac décide fin janvier de faire supprimer un passage de la loi « portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ».
Il ne s’agit en fait que de la suppression de l’alinéa 2 de l’article 4, passage le plus emblématique de cette loi, sur la reconnaissance par les programmes scolaires du « rôle positif de la présence française outre-mer ».

Si cela ressemble à un léger recul du moins pour le grand public, ce n’est qu’un "petit sacrifice" pour le gouvernement, devant permettre d’enterrer le sujet. Et pour parfaire ce plan média et renverser l’image réactionnaire, calamiteuse dans une logique électoraliste, le pouvoir annonce la mise en place d’une journée commémorant l’abolition de l’esclavage, fixée au 10 mai.

Cette tactique visant à casser la mobilisation a en partie fonctionné : la manifestation prévue le 25 février 2006 demandant l’abrogation de l’ensemble de la loi du 23 février 2005 a été annulée devant la difficulté de la porter après ce qui a été présenté par certain(e)s comme une victoire. Seul un rassemblement devant l’Assemblée nationale a eu lieu symboliquement ce 23 février.

Tromperie médiatique

Nous devons remercier nos ami(e)s socialistes pour cette petite tromperie médiatique : favorables à l’abrogation du seul article 4 et trop content(e)s de ne pas avoir à expliquer leurs divergences de position, et de facto leur acceptation du reste de la loi, ils et elles ont crié fort à une victoire, qui n’est que la leur. Et quelle victoire ! Cette loi permet à des anciens de l’OAS de recevoir des indemnités de l’Etat ! Entre autres...

Si la mise en place d’une journée de commémoration autour de la réalité de l’esclavage était demandée par les ultramarins, le choix du 10 mai est plus une reconnaissance des abolitionnistes que des esclaves...

La période est pourtant propice au débat, comme le montrent les violents conflits feutrés du milieu universitaire, engagés sur la relation entre la production historique, la loi (et donc la reconnaissance étatique) et la notion de "vérité historique". Ainsi, des universitaires ont demandé l’abrogation de la loi Gayssot condamnant le négationnisme et de la loi Taubira sur la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité, mettant en avant l’indépendance de l’histoire par rapport au pouvoir législatif et la judiciarisation potentielle des conflits historiographiques.

A nous donc de continuer à informer sur les réalités de la loi du 23 février 2005, qui ne se résume pas à un article, et à montrer le lien qui existe, entre autres, avec la nouvelle loi sur l’immigration, qui reste dans la même logique coloniale du traitement et du contrôle des populations « acceptables », « à sélectionner ».

Pierre Laviec

  • Sur les mobilisations précédentes, les articles de loi de 2005, cf. Alternative libertaire n° 140, 147 et 148.
 
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