Maurice G. Dantec, de la série noire à la série brune




Au départ était le verbe... nauséeux de l’auteur de cyberpolar Maurice G. Dantec, jusque-là considéré comme un iconoclaste talentueux, créateur de la collection "Blanche" de la Série noire dirigée par Patrick Raynal.

Installé au Canada depuis six ans, Dantec écrit le 20 janvier 2004 au Bloc identitaire (groupuscule d’extrême droite qui a pris la suite d’Unité radicale dissous après la pathétique tentative d’assassinat de Chirac le 14 juillet 2002 par le déséquilibré mental et militant de ce groupe Maxime Brunerie), par le biais de leur gourou, Fabrice Robert. Ce dernier n’est pas un inconnu des militants antifasciste : « né en 1970, fils de lieutenant-colonel, il fait parler de lui dès 1991 date à laquelle il est arrêté à Nice pour distributions de tracts révisionnistes [...] arrestation doublée d’une perquisition qui révèle sans surprise la possession d’un petit matériel décoratif nazi. [...] Il est dans les années suivantes à la fois militant nationaliste-révolutionnaire, conseiller municipal FN de La Courneuve [...]. Son activité débordante fait de lui un des piliers d’Unité Radicale, en charge en particulier d’Internet et du contact avec le milieu du Rock Identitaire Français » [1]. Après les précautions d’usage, « je suis en désaccord profond avec vous sur de nombreux points... », Dantec en vient vite à l’essentiel : « Votre combat, sans doute bien difficile, pour empêcher la dissociation de la France, l’islamisation de l’Europe, la dissolution de l’Occident (le vrai) me touche profondément » et d’expliquer que son « exil » canadien est dû à la volonté de protéger sa fille dont il ne voulait pas « qu’un jour elle devienne la proie des bêtes sauvages », comprendre les jeunes habitants des banlieues.

La missive se poursuit par des félicitations adressées au Bloc indentitaire pour s’être « mobilisés fort brillamment pour contrer les tentatives de "nettoyage ethnique" antichrétiennes à l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet », occupée par les sans-papiers le 8 décembre 2003. Sur Internet d’abord, dans Libération puis Le Monde ensuite, l’affaire Dantec éclate rapidement, poussant celui-ci à une défense qui pour être provocatrice n’en reste pas moins aussi minable qu’excrémentielle. Dantec évoque la « Kultur Nationale-Contemporaine » du « petit monde des Bobos-gauchistes » avant de partir dans un délire de « cuvette des WC ».

Suivant une méthode éprouvée de l’extrême-droite, l’auteur de Babylon Babies se pose en victime dans Libération du 22 janvier 2004, en en rajoutant dans la provocation : « Pour moi Le Pen est un gauchiste ». Et comme on n’a que les amis qu’on peut, il n’est guère que la pseudo revue culturelle aussi réactionnaire que confidentielle Cancer ! et Présent pour prendre la défense de la malheureuse victime « des cochons de la médiaklatura ».

Il reste maintenant à Patrick Raynal, directeur de la Série Noire qui s’est dit consterné par les prises de position de son auteur, et à Gallimard à prendre leurs responsabilités en supprimant - ou non - M. G. Dantec de son catalogue. Après la misogynie de Houellebecq, le décompte sinistre des juifs de France Culture par Renaud Camus, cette nouvelle affaire qui touche à nouveau un auteur à succès français doit encore renforcer notre vigilance de lecteurs.

A. Doinel

[1Notice tirée de Bêtes et méchants, petite histoire des jeunes fascistes français, Editions Reflex, 10 euros.

 
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