Ni dieu ni maître d’école : Paul Robin, un pédagogue libertaire dans la république des hussards noirs




Nous voici en 1880, année qui marque la nomination, par Ferdinand Buisson, de Paul Robin à l’orphelinat d’une commune de l’Oise, Cempuis. Jusqu’en 1894, Robin va révolutionner la pédagogie dominante de son époque dans l’établissement dont il a la charge. Voyons en quoi cela est lié à l’histoire de notre mouvement.

Avant la Ire Internationale, des philosophes, pédagogues et autres penseurs impliqués dans le grand mouvement de rénovation des idées issu des Lumières avaient commencé à remettre en question les dogmes éducatifs d’un enseignement largement dominé par l’Église et dans lequel les États naissants tentaient de jeter les bases d’une instruction publique tout aussi peu émancipatrice.

C’est avec la Ire Internationale que vont avoir lieu de nombreux débats, que vont être écrits des rapports, des articles qui vont faire la critique de cette éducation du statu quo social.

Paul Robin, en tant que professeur, participera activement de ce mouvement de réflexion en publiant (entre autres) des articles qui définissent les principes d’une éducation intégrale que l’Internationale – dont on rappellera qu’elle implosera au Congrès de La Haye en 1872 en raison de l’exclusion des libertaires dont Bakounine est une figure éminente – débattra parmi d’autres sujets à l’ordre du jour des différents congrès.

De Bruxelles à Londres et Paris, pour arriver à Cempuis en 1880, il en aura fallu des exils, volontaires ou non, à Robin pour former le pédagogue libertaire qui nous intéresse. C’est un parcours presque commun pour l’époque et pour qui avance dans la vie en refusant toujours plus profondément les canons pédagogiques traditionnels, tout en nourrissant sa vision de l’éducation à la fréquentation des penseurs et militants libertaires de son époque. On pense à Bakounine et aux membres libertaires de la section belge de l’Internationale. Il ne pourra participer, malgré son amitié avec Eugène Varlin, aux événements de la Commune
en 1871 et rencontre Marx à Londres à cette période.

Cependant, sa fidélité aux thèses anti-autoritaires lui vaudra d’être exclu
de l’Internationale avant même le congrès précité. Ses contacts
avec les milieux anarchistes, avec les frères Reclus, Pierre Kropotkine, se renforcent
et sa rencontre, déjà évoquée, avec Ferdinand Buisson va être fondamentale puisqu’il l’aidera à donner corps à ses propositions d’éducation intégrale à l’orphelinat de Cempuis qui, selon le testament de Gabriel Prévost, doit rester laïc
et mixte  : Robin est fait pour un tel poste.

Ainsi, sur ces bases, Robin va pouvoir construire son projet d’émancipation éducative, faire de la coéducation la base de fonctionnement et de socialisation des jeunes orphelins qui vont, sous son égide, apprendre que la main et l’esprit apprennent ensemble. Les pensionnaires auront aussi accès à toute une palette d’activités, dans et hors de l’établissement, sans équivalent dans les austères écoles de l’époque, cruellement centrées sur l’activité du maître et la passive écoute des élèves.

Bref, tout un programme que nous détaillerons le mois prochain.

Accattone

 
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