Nucléaire : EPR mal soudé, EDF mal barré




Le chantier de l’EPR de Flamanville (Manche) accumule tellement de retards et de surcoûts que la construction de nouvelles centrales nucléaires en France – le parc électronucléaire français arrivant en fin de vie – pourrait en devenir beaucoup plus compliqué.

La construction de l’EPR (Réacteur pressurisé européen)de Flamanville a débuté en décembre 2007 pour une mise en service prévue en 2012 avec un budget de 3,5 milliards d’euros. Ces échéances et coûts ont été revus à la hausse à plusieurs reprises, notamment en raison d’anomalies de fabrications sur la cuve.

Des non-conformités ont été découvertes en avril 2018 sur 66 soudures du circuit secondaire. EDF a entrepris de reprendre 58 soudures et a annoncé en juillet 2018 que leur réparation alourdirait encore la facture, l’amenant à 10,9 milliards d’euros.

Et cela sans prendre en compte les 8 soudures pour lesquelles EDF a demandé à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) de les conserver en l’état  : ces soudures traversent l’enceinte de confinement du réacteur, et les reprendre impliquerait de toucher aux structures de l’installation.

Des conséquences financières catastrophiques pour EDF

Mardi 9 avril, EDF a été auditionnée par un groupe d’experts de l’ASN. Et patatras, le groupe d’expert recommande qu’EDF répare ces 8 soudures défectueuses «  L’IRSN  [1] a conclu qu’EDF devrait, plutôt que rechercher à justifier une acceptabilité en l’état, procéder à la remise en conformité des soudures concernées  » dixit Thierry Charles, directeur général adjoint de l’IRSN  [2], ce qui pourrait repousser encore de deux ans la mise en service du réacteur nucléaire. L’ASN devrait rendre son avis définitif d’ici l’été, mais le doute est faible, les avis de l’IRSN sont généralement suivis. «  Habituellement, la construction tient compte du risque de rupture de la pièce concernée. Or, EDF est parti du principe que les soudures ne pouvaient pas casser  » [3]. Une solution pour EDF serait d’abandonner le principe d’exclusion de rupture. «  Il lui faudra alors reprendre toute son étude de sûreté pour voir ce qui se passerait en cas de rupture de la soudure. Mais là aussi, c’est une démarche très compliquée. Surtout, la probabilité que ça ne change rien à l’installation est nulle  », prévient Thierry Charles. Autrement dit, EDF serait alors obligé de rebâtir toute une partie de son installation pour la rendre capable de faire face à ce genre d’accident.

Tout report significatif de la mise en service de l’EPR pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour EDF. Bien sûr, il renchérirait encore le coût de construction. Mais bien plus que cela. Avec 33 milliards d’euros de dettes, EDF doit investir dans les prochaines années entre 55 et 75 milliards d’euros pour mettre aux normes son parc nucléaire. Macron a conditionné la construction de nouveaux réacteurs nucléaires au démarrage de ce premier EPR sur le sol français. Or ces nouveaux dérapages font que ce projet ne pourra pas être présenté avant la campagne pour les présidentielles de 2022.

Jocelyn (AL Gard)

[1Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

[2Mediapart, le 11 avril 2019

[3Reporterre, le 12 avril 2019

 
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