Océan Indien : l’île de Diego Garcia : un second Guantanamo ?




Nous avions déjà évoqué le cas de Diego Garcia, une île de l’archipel des Chagos dans l’océan Indien, confetti de l’empire britannique loué depuis 1966 aux États-Unis qui y installent alors une base militaire après l’expulsion des habitant(e)s vers l’île Maurice voisine [1].

Il semble que dans le cadre de leurs activités « antiterroristes » les États-Unis soient en train de faire de Diego Garcia un second Guantanamo.

Un article de Mark Seddon paru dans le journal anglais The Independant et repris dans Courrier International n° 688 (8-14 janvier 2004) fait état de la très probable installation par les États-Unis d’un camp de prisonniers suspectés de terrorisme à Diego Garcia. Les conditions de détention et d’interrogatoire à Guantanamo sont souvent évoquées dans bon nombre de journaux et de nombreux abus en matière de respect des droits de l’homme ont ainsi pu être mis en lumière. Les militaires américains n’aiment guère être l’objet de la curiosité des journalistes et Diego Garcia pourrait constituer l’endroit idéal pour se livrer à des « interrogatoires » à l’abri des enquêtes de presse ou d’organisations non gouvernementales puisque personne n’est autorisé à y mettre les pieds. The Independant utilise comme source des photos satellites montrant que le camp « justice », qui ne reçoit officiellement que des soldats américains destinés à occuper l’Irak, pourrait bien accueillir des détenus. Cet état de fait suscite quelques remous outre-Manche puisque Diego Garcia relève politiquement de la souveraineté britannique. Lorsque l’on connaît l’allégeance d’un Tony Blair au gouvernement US, faut-il s’étonner que l’administration britannique laisse les mains libres aux États-Unis et ne leur demande même pas de comptes sur l’utilisation de Diego Garcia comme prison secrète ?

En 1966, c’est un ministre travailliste (déjà), Lord Chalfont, qui organisa l’expulsion des habitant(e)s de Diego Garcia au profit de l’installation des États-Unis, pratiques qui ne sont pas sans rappeler celles de Staline en Union soviétique qui mit en œuvre de nombreux « déplacements » de population. Malgré l’annulation en 2000 par la haute-cour de Londres de l’interdiction de retour des exilé(e)s, l’application effective de ce droit au retour semble de plus en plus compromise puisque l’arrêt n’a été assorti d’aucun calendrier fixant une échéance et a fortiori si les États-Unis comptent utiliser l’île pour des détentions arbitraires et y mettent en place une justice d’exception « antiterroriste » avec toute la discrétion que cela suppose.

Interrogatoires musclés

Des informations de la presse américaine - le Washington Post et le Times - confirment que des membres d’Al Qaida, du groupe intégriste indonésien Jammaah Islamya Islamiyah impliqués dans l’attentat de Bali sont détenus à Diego Garcia ou y ont séjourné, et des militant(e)s contre l’occupation de Diego Garcia et pour le retour des réfugié(e)s affirment quant à eux/elles que d’anciens dirigeants irakiens s’y trouvent également. Ils pourraient y être soumis à des « interrogatoires musclés », comprendre à la torture, à l’abri des regards d’une opinion publique américaine largement acquise à la « guerre contre le terrorisme » mais susceptible d’être sensible au franchissement de certaines limites.

Diego Garcia, point stratégique majeur pour les États-Unis, au carrefour de l’Afrique et de l’Asie occidentale et méridionale (Irak, Syrie, Afghanistan, Pakistan), permet la surveillance et la défense des points de passage dans l’océan Indien et sert de porte-avions aux bombardiers américains hier à l’œuvre en Afghanistan et en Irak et demain peut-être en Syrie. On mesure ainsi l’importance de ce petit bout de terre pour leur projet de recolonisation du monde. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de Djibouti, base militaire de la France en Afrique et instrument de son colonialisme, ou les États-Unis s’implantent également en utilisant les infrastructures françaises.

Diego Garcia, une île soumise à une occupation militaire et en train de devenir une zone de non-droit avec la mise en place de ce qui s’apparente à un bagne dans la plus pure tradition coloniale.

Les exilé(e)s et leurs soutiens qui luttent pour la fermeture de la base américaine, pour leur droit au retour sur l’île et pour y exercer une pleine souveraineté, conscient(e)s des méfaits de l’impérialisme américain ont récemment dénoncés la « guantanamisation » de Diego Garcia. Le combat contre toutes les occupations passe aussi par Diego Garcia.

Ngoc

[1voir Alternative libertaire n° 118, mai 2003, p. 17.

 
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