Point de vue : Dieudonné-Soral : À nous de les faire taire !




L’interdiction des spectacles de Dieudonné pose la question de la légitimité de l’État à régenter et encadrer les esprits. Plutôt que par la répression étatique, c’est bien par l’action directe des exploité-e-s que l’on viendra à bout des idées et discours racistes et fascistes.

Entre deux remarques racistes sur les Roms ou les musulmans, Manuel Valls a subitement annoncé que contre les blagues antisémites de Dieudonné, il fallait sévir, et interdire ses spectacles. Vœux exaucé le 9 janvier pour le spectacle de Nantes, sur décision du Conseil d’État.

Anne Hidalgo, candidate PS à la mairie de Paris, veut quant à elle faire fermer la Main d’Or, le théâtre du pseudo-comique. Enfin, le député UDI Meyer Habib souhaite déposer un projet de loi pour interdire la quenelle...

Outre que ces propositions ne font que renforcer Dieudonné dans son statut de victime du « système », on ne peut pas souscrire, en tant que libertaires, à l’idée que l’État puisse légitimement déterminer ce qui est idéologiquement ou historiquement vrai ou pas, et interdire ce qui va en sens inverse.

Car, lorsqu’on voit la libération de la parole raciste dans les plus hautes sphères gouvernementales, les opinions farfelues sur les immigré-e-s mais aussi sur l’esclavage, la Première Guerre mondiale, la guerre d’Algérie ou Mai 68 exprimées par certains hommes politiques, on a des sueurs froides à l’idée de leur laisser imposer arbitrairement leur vision de l’histoire ou de la société.

La question de soutenir des lois, des décrets visant à interdire quelque opinion, discours, geste ou organisation que ce soit ne se pose donc pas. On ne pourrait pas non plus soutenir l’interdiction de telle ou telle organisation d’extrême droite sans reconnaître implicitement la légitimité de l’État à avoir droit de vie et de mort sur les organisations politiques, y compris d’extrême gauche, et donc son droit à nous dissoudre si tel était son bon plaisir. Même si on n’irait pas manifester contre l’interdiction du Front national ou de telle ou telle organisation néo-nazie...

Action directe

Cela ne signifie pas pour autant que toutes les opinions se valent, qu’elles doivent pouvoir être indifféremment déversées dans l’espace public, que les milices d’extrême droite ont toute leur place en démocratie, ou que le négationnisme doive être enseigné dans les écoles au même titre que la vraie histoire de l’Holocauste – parce qu’ainsi « chacun pourra se faire son opinion »... Ces propos, ces idées, ces organisations doivent être combattus et anéantis, mais pas en gémissant auprès de l’État pour qu’il envoie les forces de répression faire le sale boulot. C’est aux exploité-e-s de s’en charger par l’action directe. Cette action directe, c’est d’abord un combat d’idées à mener contre les fascistes, à travers un travail de contre-propagande dans les entreprises et les quartiers où l’idéologie dieudonnesque pousse.

C’est aussi un travail de perturbation des activités des fachos de tout poil sur le terrain. Ainsi, lorsque des grenouilles de bénitier viennent prier devant les centres IVG pour l’âme des avortons, comme récemment devant l’hôpital Tenon à Paris, il n’y a pas lieu d’en appeler à la préfecture pour qu’elle interdise cette prière de rue. Il faut par contre mobiliser pour que le plus grand nombre de militantes et militants féministes et progressistes viennent les déloger.

Il faut faire pareil devant les spectacles de Dieudonné. Les empêcher de se tenir plutôt que de prier pour qu’ils soient interdits. Déjà lorsque la liste « antisioniste » de Soral et Dieudonné était venue parader, en mai 2009, sur un marché populaire parisien, il était du devoir des antiracistes de venir lui signifier fermement leur désaccord, ce qui avait amené à la garde à vue de plusieurs d’entre eux. Quatre ans et demi plus tard, l’État se dit que finalement, c’est vrai que Dieudonné est un peu antisémite, et qu’il faudrait faire quelque chose. Et si, pour commencer, il arrêtait de réprimer celles et ceux qui se mobilisent sur le terrain contre le racisme et le fascisme ?

Vincent (AL Paris-Sud)

 
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