Point de vue : Racisme anti-blanc : une notion fallacieuse




Le 1er avril 2012 le Mrap a acté l’existence du « racisme anti-blanc ». Or le mouvement social ne devrait pas légitimer ce concept. La question du racisme anti-blanc doit nous interroger sur ce qu’est le racisme, et sur ce qu’est devenu l’antiracisme. Le terme est aujourd’hui détourné de façon ahurissante. Ainsi Laurence Parisot, en octobre dernier, a sérieusement parlé de racisme anti patron ! La gauche porte une responsabilité en ayant fait de l’antiracisme une question morale avec SOS racisme, afin de dé-radicaliser les marches pour l’égalité dans les années 1980.

L’extrême gauche, en évoquant souvent le racisme sous l’angle unique de la division des travailleuses et des travailleurs ou du bouc émissaire qui évite de parler des « vrais problèmes », a contribué à minimiser le phénomène. Cette analyse nécessaire mais pas suffisante conduit à fondre la question du racisme dans le seul combat anticapitaliste.

Qu’est-ce que le racisme ?

Il faut rappeler ce qu’est socialement le racisme : la construction, par en haut (politiques, gouvernement, médias, intellectuels…), d’une population définie à partir d’une appartenance et de certains critères essentialisés (couleur de peau, culture, religion, nationalité…). L’essentialisation conduit aux amalgames et aux préjugés. Cette construction par en haut se diffuse ensuite à tous les niveaux de la société. Le racisme n’est pas seulement l’hostilité, la haine ou le rejet d’une population construits selon tel ou tel critère, mais un rapport de domination et un traitement inégalitaire, établi par la hiérarchisation selon des valeurs dites « supérieures ou inférieures » ou/et la « dangerosité » attribuée à telles populations, « cultures », « civilisations ». Ce processus assigne les groupes visés à une certaine marginalisation sociale, pouvant conduire à différentes formes d’expulsion, voir à leur extermination. On ne peut pas mettre sur le même plan le racisme réactionnel, par exemple d’un ou d’une jeune racisé-e, paupérisé-e, exprimant une frustration face aux injustices sociales, et le racisme d’un prolétaire blanc qui croit qu’il est prioritaire car il serait « chez lui ». Les blancs peuvent subir de fait des hostilités, une rancœur ou une haine réactionnelle qui peut parfois être violente, mais qui ne peut prendre la forme d’un système d’oppression raciste qui marginaliserait les populations blanches. S’il peut exister une essentialisation politique des blancs, chez des groupes suprématistes noirs par exemple, cette idéologie raciste ne s’appuie sur aucune réalité sociale ou institutionnelle de domination et n’implique aucune conséquence sociale pour le groupe défini comme blanc.

Racisme et « haines communautaires »

L’hostilité réactionnelle de certains gamins des cités est à rapprocher des phénomènes de tensions communautaires aux États-Unis. À Los Angeles par exemple, les communautés hispanique, asiatique et noire sont en concurrence sur le marché du travail et s’affrontent territorialement à travers les phénomènes de gangs. Tous sont en revanche socialement dominés par les blancs. Les tensions communautaires qui ont tendance à être perçues parfois comme du racisme, sont à expliquer encore une fois avec l’histoire coloniale. Les impérialistes ont toujours divisé pour mieux régner dans les colonies en opposant les populations dominées entre elles, ou en favorisant un groupe sur un autre. Il en est de même aujourd’hui avec la transposition de cette méthode dans les métropoles et les quartiers populaires. Si les tensions communautaires sont préoccupantes, violentes, et à combattre en ce qu’elles amènent les dominé-e-s à se diviser voire à se tuer entre eux, elles sont à comprendre comme l’une des conséquences du racisme systémique. Parce que c’est le racisme et les stigmatisations venu d’en haut qui nourrissent les préjugés qu’intègrent les groupes racisé contre d’autres groupes racisé.

Diviser pour mieux régner

L’antisémitisme traverse aussi ces tensions. Avec d’une part l’alignement des grands partis sur l’idéologie sioniste et le Crif qui instrumentalise l’antisémitisme, et d’autre part la stigmatisation du « jeune barbare de banlieue antisémite ». Ainsi, politiques et médias expriment deux poids deux mesures entre la condamnation de l’antisémitisme et d’autres formes de racisme, ce qui ne fait qu’alimenter ces tensions communautaires. Dialectiquement, le développement de l’antisémitisme dans cette situation peut servir de « bouclier » aux blancs contre l’hostilité des racisé-e-s, c’est le sens du discours d’Alain Soral qui souhaite orienter les frustrations légitimes des habitantes et des habitants des quartiers populaires non contre les systèmes de domination dont ils sont victimes mais contre le « complot judéo-sioniste ». À travers ces concepts, la droite et l’extrême droite tentent de maintenir des privilèges sociaux tout en stigmatisant une partie de la population. C’est ainsi qu’Elie Domota et Régine Delphin, membres de l’UGTG, ont été accusé-e-s de racisme anti-blanc car ils dénonçaient le système de domination des Békés. Il ne faut pas confondre les conséquences (rejet de l’autre, tensions communautaires…) avec les causes (racisme systémique). Assimiler les deux tend à rendre responsables les racisé-e-s de l’hostilité et des discriminations qu’ils rencontrent et à nier l’existence d’un rapport de domination.

Nicolas Pasadena (AL Montreuil)

 
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