Pompiers professionnels : Ni bons Samaritains ni enfants gâtés




Ils et elles veulent une retraite à 55 ans “ décente ” au regard de la pénibilité de leur métier. Le gouvernement joue la carte du volontariat pour isoler la profession.

Les sapeuses et sapeurs-pompiers professionnels (SPP) sont en lutte et l’ont fait savoir à plusieurs reprises : deux manifs nationales, les 25 septembre et 21 novembre, et des manifestations régionales en décembre.

Mais c’est la manif nationale du 21 novembre à Paris, à l’appel de la CGT, FO, SUD, la CFTC et de la Fédération autonome (FASPP), qui a été la plus spectaculaire : des affrontements avec la police certes, mais surtout 13.000 personnes, soit le tiers des effectifs de la profession ! Le jour même, Le Figaro avait publié un article fielleux, « Les pompiers, enfants gâtés de la République », suggérant qu’ils et elles travailleraient peu et toucheraient des salaires confortables, certains auraient « plus de 200 jours de congé par an » et seraient avantagés à la retraite puisque, pour les SPP, cinq anuités de cotisation comptent pour six.

Sauf que, depuis la réforme Fillon de 2003, la durée de cotisation est passée de 37,5 à 40 annuités. Du coup, il est de facto impossible de bénéficier de la retraite à taux plein avant 60 ans. Or comme le dit un adage syndical : « À 50 ans le métier est difficile, à 55 il est impossible. » Les SPP exigent donc des bonifications salariales pour viabiliser cette retraite à 55 ans. C’est bien cette question des retraites qui est au centre de la lutte, même si l’étincelle qui a mis le feu aux poudres a été, courant juillet, la suppression pour les SPP d’une prime de 72 euros mensuels accordée pourtant à toute la fonction publique territoriale.

Cap sur la flexibilité

Comme ailleurs, les SPP sont victimes d’une pression à la réduction des effectifs, via la flexibilisation du temps de travail. À l’heure actuelle les SPP doivent s’acquitter de gardes de vingt-quatre heures qui s’enchaînent indifféremment les week-ends et les jours fériés. Mais selon le rapport – contesté – du député UMP Georges Ginesta, 70% des interventions se feraient de jour. Des gardes de douze heures permettraient donc de réduire le personnel en le concentrant sur les heures de jour.

Autre stratégie gouvernementale : jouer les volontaires contre les pro. Les sapeuses et sapeurs-pompiers volontaires (SPV) assurent des vacations à temps partiel en plus de leur vie professionnelle, pour un salaire modeste : 10 euros de l’heure en moyenne. Le hic pour l’État, c’est que le volontariat n’est plus florissant… Si le nombre de SPV reste stable, le turn-over est trop important. La loi de 2004 dite « de modernisation de la sécurité civile » (combattue par la CGT, SUD, FO et la FASPP) est censée répondre à ce problème. Une circulaire du 25 août 2004, signée de Villepin, précise les objectifs de cette loi : « maintenir, par la relance du volontariat, un maillage territorial développé, que ne pourraient assumer sans surcoûts incomparablement plus élevés les seuls services professionnels ». Comment ? « En fidélisant les volontaires par l’instauration d’une prestation spécifique. » Quel montant ? Jusqu’à « 1.800 euros par an pour ceux qui auront effectué trente-cinq ans de service volontaire »… soit seulement 150 euros par mois maximum.

« Ouvriers et techniciens du feu »

Les SPP se battent pour l’emploi, les retraites et plus généralement pour la défense de leur profession. Mais elles et ils ont également à s’émanciper de certaines pesanteurs culturelles. Par exemple, pour remédier à l’image de « sauveur désintéressé », la CGT avance l’idée que les pompiers ne sont pas des soldats du feu, mais des ouvriers et techniciens du feu. Autre pesanteur : la discipline qui, si elle est indispensable dans l’exercice du métier, ne doit pas être un frein à la revendication.

Pour finir, l’esprit de corps : s’il peut favoriser la solidarité et la combativité, il peut aussi parfois conduire à un corporatisme propre à isoler le mouvement, au bénéfice du gouvernement qui veut faire passer les SPP pour une caste privilégiée. Il faut faire progresser l’idée que les SPP sont des travailleuses et des travailleurs comme les autres !

Christian et Gaëlle (AL Nantes)


241.800 POMPIERS EN FRANCE

  • Volontaires : 204 000 (84%, mais 60% en équivalent temps plein)
  • Professionnels : 37 800 (dont 4% de femmes)

Sur les 37.800 professionnels, 24% (9.000) sont militarisés et donc privés du droit syndical et de grève : les Pompiers de Paris et les marins-pompiers de Marseille.

Chiffres SDIS


PAYSAGE SYNDICAL

Les élections de 2004 à la CATSIS dans le collège non officier ont donné :

  1. CFTC 28,9% ;
  2. CGT 28,5% ;
  3. FASPP-Unsa 17,4% ;
  4. FO 8,7% ;
  5. SUD 6,9% ;
  6. CFDT 4,6% ;
  7. CGC 1,2%.

La FASPP a, depuis, quitté l’Unsa. La CFTC a rejoint tardivement la lutte actuelle, poussée par sa base alors qu’elle avait jusqu’ici coopéré avec le gouvernement. La CFDT, plus jaune que jaune, est aujourd’hui moribonde (elle faisait encore 9,9% aux élections CAP de 2001).

 
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