Prisons : L’exploitation au carré




Le travail salarié en prison s’inscrit pleinement dans le dispositif répressif carcéral français. Les détenu-e-s sont victimes de conditions de travail et de salaire encore plus désastreuses que la masse des salarié-e-s.

Les prisons ne sont pas seulement des lieux de privation de liberté et de répression, mais également des lieux d’exploitation. Ainsi, 27,7 % des personnes incarcérées ont accès à un travail rémunéré, dans des conditions déplorables [1]. En effet, l’activité salariée en milieu carcéral n’est pas régie par le Code du travail, même si les détenu-e-s salarié-e-s cotisent pour la retraite, l’Urssaf, la CSG et la CRDS. Ils ne bénéficient pas des congés payés. Victimes d’un accident du travail, ils ne peuvent prétendre à des indemnités journalières.

Zones de non-droit social

Pour les rémunérations, le taux horaire de référence a été fixé à 45 % du Smic horaire brut (soit 4,03 euros de l’heure) pour ce qui est des travaux de production (travaux effectués pour des entreprises extérieures) et de 20 % à 33 % du Smic pour les travaux de service général, entretien et maintenance des locaux. Un grand nombre de travaux de production sont payés à la pièce. La fluctuation de l’offre et de la demande ne pouvant garantir aux salarié-e-s en production un salaire régulier, il leur est difficile de rassembler ainsi assez d’argent pour régler les parties civiles, les denrées cantinables (nourriture et biens de confort) et le pécule de sortie.

Ces feuilles de salaire au rabais cantonnent ainsi les détenu-e-s dans le rôle de citoyennes et citoyens de deuxième rang que la communauté leur réserve. Cela ne contribue en rien à l’apaisement et à l’amélioration des rapports que ces prisonniers et prisonnières ont avec la société. Après la condamnation à la réclusion, dont la valeur pédagogique reste discutable, des travaux souvent pénibles et des salaires indécents viennent s’ajouter aux privations de vie affective, de vie sexuelle et de vie culturelle. Paradoxalement, l’institution pénitentiaire, par les actions de coercition et d’exclusion qu’elle pratique, devient une fabrique de délinquants et délinquantes.

Une société sans prisons ?

Il est évident que pour infléchir cette funeste tendance, uen action politique est nécessaire. Non pas une politique électoraliste qui amène nos élu-e-s à flatter les « va t’en geôle » en érigeant la loi du Talion comme cadre absolu, mais une réponse qui prenne en compte le contexte social d’où est issue la majorité des personnes incarcérées. Non pas que le prolétariat soit par essence plus malfaisant que les classes aisées (rappelons-nous les affaires Woerth, Pasqua, Santini et Strauss-Kahn), mais le fait de voir ses droits bafoués en permanence (droit du travail, droit à la santé, accès à la justice et précarité en tous genres) peut amener chacun et chacune d’entre nous à transgresser les règles qui régissent notre communauté. Les lois qui régissent le « vivre ensemble » sont d’autant mieux assimilées et paraissent d’autant plus légitimes qu’elles sont plus expliquées et replacées dans un contexte politique.

Essayons d’introduire un peu d’utopie dans notre société toujours plus sécuritaire : en remplaçant un flic sur deux par un éducateur et en montrant que nous sommes toutes et tous dignes du même intérêt, avons les mêmes devoirs et sommes de ce fait redevables des mêmes droits.
Alors, l’enfermement n’apparaît plus comme la réponse à toutes les formes de transgression et se dévoile dans son plus simple appareil : la métaphore à peine édulcorée de la peine de mort.

Pierre L. (AL Bigorre)

[1d’après le rapport de Jean Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, septembre 2010

 
☰ Accès rapide
Retour en haut