Représentativité : Le piège du « syndicalisme rassemblé » se referme sur la CGT




Après son échec, même à relativiser, aux élections professionnelles, la CGT ne doit pas se voiler la face mais chercher à résoudre les causes du problème, estiment des communistes libertaires de la centrale de Montreuil. Elle doit trancher entre un retour clair à un syndicalisme de lutte de classe, porteur d’un projet politique émancipateur, et une intégration complète au syndicalisme institutionnel, comme celle vers laquelle elle a tendu après 2008 en cherchant à se rapprocher de la CFDT.

La politique de rapprochement avec la CFDT menée par la CGT, connue sous le nom de « syndicalisme rassemblé » avait trouvé sa traduction institutionnelle avec la loi de 2008. Cette loi reprenait intégralement la « position commune » MEDEF-CFDT-CGT sur la réforme de la représentativité qui devait mettre fin à la représentativité automatique des cinq confédérations historiques : CGT/CFTC/FO/ CFDT/CGC. Derrière la promesse d’une représentativité plus démocratique, fondée sur les élections professionnelles, c’est en fait toute une stratégie de recomposition syndicale créant une majorité CFDT/CGT stable qui se mettait en place afin d’ancrer durablement la CGT dans un syndicalisme d’accompagnement digne des orientations de la Confédération européenne des syndicats (CES). Les luttes sociales et les résistances politiques dans la CGT ont bloqué partiellement cette stratégie mais la CFDT sort naturellement renforcée de ce long épisode.

La genèse du syndicalisme rassemblé Thibault - Chérèque

La loi de 2008 : rappels

La représentativité des syndicats est un enjeu décisif puisqu’elle accorde ou dénie le droit de négocier et de conclure des accords, tant au plan de l’entreprise que dans les conventions collectives ou les accords nationaux interprofessionnels (ANI). C’est également un enjeu important en termes de financement public des syndicats.

Nous avions d’un côté la volonté patronale d’ancrer définitivement la CGT hors d’un syndicalisme de lutte des classes en créant la nécessité d’une majorité CFDT/CGT pour passer la barre de 50 %. De son côté, la CFDT espérait éliminer et intégrer la CFTC, privée de sa représentativité « irréfragable », voire des secteurs FO. Et intégrer l’Unsa qui n’avait aucune chance de devenir représentative dans le seul secteur privé. Pour la CFDT, il s’agissait en effet de construire une confédération rassemblant l’ensemble des secteurs syndicaux dirigés par des militants socialistes.

En prévoyant de préserver les intérêts des cinq confédérations « historiques » pendant neuf ans, la loi laissait du temps aux négociations entre bureaucraties, mais rien n’a bougé. C’est donc l’élimination de FO d’un tiers des conventions collectives (la moitié pour la CFTC !) à partir de cette année qui va bouleverser les équilibres dans les branches professionnelles et ouvrir la voie à des recompositions. La direction confédérale CGT (tout comme la CFDT) voulait aussi bloquer le développement de Solidaires au moment où un pôle CGT/CFDT ouvrait des brèches sur sa gauche.

En supprimant le délégué syndical (DS) immédiatement représentatif au profit du représentant de la section syndicale (RSS) qui doit prouver sa représentativité avec des droits très restreints, la loi donnait un avantage flagrant aux syndicats d’accompagnement. Dans les petites entreprises, l’implantation de la CGT s’en trouvait plus difficile face aux pressions du patron.

Signalons enfin qu’après l’interdiction des élections à la Sécurité sociale qui étaient un thermomètre beaucoup plus fiable, la loi de 2008 actait en catimini la suppression également des élections prud’homales...

Relativiser le résultat ?

Il existe de nombreuses raisons de questionner « la première place de la CFDT ». La prise en compte de la fonction publique bien sûr qui inverserait le résultat. Le droit de vote dont sont privé.es les salarié.es des entreprises dépourvues d’institutions représentatives du personnel (IRP), les salarié.es privé.es d’emploi ou encore les retraité.es… tout cela rend fragiles les chiffres établis.

La destruction des anciens bastions ouvriers, la montée relative des cadres, la précarisation et la sous-traitance des emplois les moins qualifiés sont autant d’explications justificatives du recul de la CGT. La répression subie par les élu.es CGT dans les boîtes, tandis que la CFDT est devenue bien souvent le syndicat maison impulsé par le patron est une autre justification qui s’entend.

Mais le recul de la CGT dans les grandes entreprises issues du public, mis en avant par la direction confédérale, n’est pas une excuse ! Au contraire, nous y voyons l’expression du problème ! Alors soyons courageux et plutôt que de relativiser l’échec, tâchons d’en résoudre les causes.

Les deux outils de proximité et de continuité qui permettent de pérenniser la présence CGT dans un secteur sont bien connus : ce sont le syndicat et l’union locale.

Mais dans bien des cas, l’union locale ne possède plus l’attractivité qui faisait sa force. Manque d’argent, manque de moyens militants, manque de volonté politique... Il est urgent de redonner à cet échelon les moyens de travailler sérieusement et l’envie d’innover dans les activités proposées, d’ouvrir l’UL sur des objectifs plus larges de solidarités, de combats, de débats, de formations et de culture. L’appauvrissement dans le temps long du contenu des formations syndicales de base, généralement assumées par les UL, est également le signe et la cause de l’effacement d’une CGT au cœur des luttes et de la vie locale.

En détruisant systématiquement les syndicats d’industrie locaux ou régionaux au profit de syndicats d’entreprise, nous avons coupé la continuité de la syndicalisation d’un travailleur ou d’une travailleuses qualifié.e quand il ou elle change d’entreprise. Nous nous sommes privé.es d’une structure qui permettait de soutenir les entreprises les plus faibles syndicalement en s’appuyant sur les militants des entreprises mieux structurées. Avec le syndicat d’entreprise c’est chacun chez soi !

Mais ce qui est jouable dans les grandes entreprises ne l’est pas dans le tissu des moyennes entreprises où, justement, la CFDT nous a devancé.es. Et c’est faire reposer sur des militants et militantes souvent fragiles politiquement tout les tracas du fonctionnement juridique et administratif. Dans toutes ces petites et moyennes entreprises ouvrières où nos délégué.es souvent lisent et écrivent à peine le français, c’est seulement le suivi quotidien, par l’UL ou par un syndicat d’industrie local, qui permet de former et consolider une action CGT dans la durée. L’exemple du Syndicat général du livre parisien en Île-de-France doit être médité.

Les journalistes et autres commentateurs s’en donnent à cœur joie, mais le débat existe aussi dans la CGT : faut-il renoncer à la lutte des classes pour repasser premier syndicat dans quatre ans ? La « victoire » de la CFDT serait-elle la preuve du rejet du syndicalisme de lutte ?

Un journaliste radio qui interrogeait Pierre Laurent, dirigeant du PCF, a poussé le ridicule jusqu’à qualifier la CGT d’« anarchisante » durant le conflit ­contre la loi travail, et demandait au passage si Laurent regrettait le temps où la CGT était mieux contrôlée et plus raisonnable... Alors ?

Alors il nous semble surtout que les difficultés de la CGT proviennent d’une image brouillée par son attentisme durant le puissant mouvement de 2010 sur les retraites ou les « affaires » autour de Lepaon. La CGT doit trancher entre un retour à un syndicalisme de lutte de classes et une intégration complète au syndicalisme institutionnel conforme aux pratiques de la Confédération européenne des syndicats.

Si la CGT devait rallier pour de bon le pôle du syndicalisme de renoncement, elle n’y retrouverait pas pour autant sa première place, celle-ci étant solidement occupée par la CFDT...

Si, au contraire, la CGT reprenait avec confiance le chemin du syndicalisme révolutionnaire, celui de nos fondateurs, rien ne dit qu’elle en sortirait gagnante à la loterie électorale de la représentativité, mais à coup sûr elle pourrait se renforcer solidement dans l’animation des combats. Et là est bien l’essentiel !

À coup sûr, il faut que notre CGT tranche pour de bon entre ces deux choix fondamentaux. Si « le choc électoral » n’est qu’une baudruche tant les chiffres en quatre ans ont peu évolué, les questions posées à la CGT ouvrent clairement un débat choc pour le 52e Congrès !

Article issu du site des communistes libertaires de la CGT (Communisteslibertairescgt.org)


Une représentativité syndicale pour quelle représentation de salarié-e-s ?

Le 31 mars 2017, la Direction générale du travail annonçait le pourcentage de « représentativité » de chaque organisation syndicale. La CFDT devenu première organisation syndicale aux dépends de la CGT est une aubaine pour le pouvoir en place qui voit ainsi une acceptation de la loi travail.

Mais c’est une audience tronquée car seulement calculée pour le secteur privé. Exit donc les 5,6 millions de travailleurs et travailleuses du service public, les 3,5 millions de chômeurs et chômeuses ainsi que les 16 millions de retraité.es. Sans oublier le fiasco des dernières élections dans les TPE et TPA où seulement 7,35 % des personnes inscrites ont voté !

Cette représentativité ne renforce pas les droits des salarié.es, qui se moquent bien de qui peut les représenter lorsqu’ils se mettent en grève dans leur boîte pour défendre leurs acquis ou leur emploi. Ont-ils le droit à la parole lorsque la CFDT signe un accord national interprofessionnel (comme en 2014) qui renforce les droits des patrons en matière de plan social d’entreprise ? Ou quand la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et FO détruit un peu plus le droit des chômeurs et chômeuses, avec le dernier accord Unédic, en mars 2017, qui a vu un recul très net dans la durée possible d’indemnisation pour tous les privé.es d’emploi ?

Quel impact aura cette représentativité « nationale » puisque la loi travail renforce le pouvoir des patrons dans « leur » entreprise, puisqu’un candidat aux élections présidentielles, soutenu par le Medef, prône le statut « d’indépendant » pour les salarié.es du futur ?Quelle doit être la place d’un syndicalisme révolutionnaire, autogestionnaire et qui lutte pour une transformation sociale ?

Face à des gouvernements qui sont aux ordres du Medef, qui criminalisent l’action syndicale, les militantes et militants communistes libertaires doivent renforcer les actions de terrain, renforcer les unions locales et unions départementales pendant que le Medef renforce les syndicats d’entreprise. Ils doivent montrer aux salarié.es que le modèle capitaliste est néfaste et que la réappropriation des moyens de production, le partage du travail et le partage des richesses, sont plus importants que la « représentativité » qui n’a d’importance que pour les syndicats dits « réformistes ».

François (AL Gard)

 
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