Sans-papiers : et un réseau des travailleurs sans frontières ?




Une maturation s’opère au sein du Réseau Éducation sans frontières. L’opportunité est là de faire le lien entre la lutte des élèves et de leurs familles et la lutte de toutes et tous les travailleurs sans papiers. La preuve par Aubervilliers.

Après l’affaire d’Aubervilliers (voir plus bas), la lutte des sans-papiers est sans doute à un tournant. Le pouvoir a clairement perdu la bataille de l’opinion en ce qui concerne les expulsions d’élèves sans papiers et de leurs familles. Les rafles dans ou devant les écoles ne sont plus possibles. De même, la police n’ose plus procéder à des rafles dans certains quartiers de l’Est parisien. Bien sûr, la politique répressive se poursuit là où le rapport de force est plus faible. Mais il est indéniable que la mobilisation des Réseaux Éducation sans frontières (RESF), Uni-e-s contre une immigration jetable (UCIJ) et des collectifs de sans-papiers progresse, au point d’obliger l’État à infléchir sa tactique et à cibler les ateliers de travail clandestin.

Le pouvoir tente un nouveau pari, à savoir que personne ne peut décemment défendre le travail au noir. Sauf que pour le gouvernement ces opérations n’ont rien à voir avec une volonté de faire respecter le droit du travail. Il s’agit uniquement de continuer à exhiber des chiffres d’expulsions records. Là est la supercherie. Et c’est avec force qu’il faut la dénoncer.

Dans l’affaire de la rafle d’Aubervilliers, les militantes et les militants d’AL les plus impliqués dans RESF et UCIJ à Paris ne se sont pas contentés de relayer avec d’autres l’information et d’alerter les réseaux militants. Ils et elles ont insisté pour que RESF travaille main dans la main avec la CGT (CGT 93, CGT-Santé) et Solidaires (dont SUD-Santé) à la fois pour que la vérité soit faite sur la violence de cette rafle, sur la mort d’un bébé, mais aussi pour faire avancer l’idée, au sein de RESF et d’UCIJ, que le lien avec les organisations syndicales est décisif pour faire avancer la lutte.

Associer les syndicats

Les syndicats de l’Éducation nationale doivent être pleinement associés aux actions et campagnes de RESF et donc à leur préparation, ce qui avant l’affaire de l’école Rampal (Paris XIXe) était loin d’être le cas, non pas par antisyndicalisme au sein de RESF, mais parce que nombre de gens connaissent mal le monde syndical et n’ont pas le réflexe d’y recourir. Cela n’a pourtant guère de sens d’appeler, comme en février, à une journée école morte si ceux qui peuvent relayer l’opération chez les instits, à savoir les syndicats, n’y sont pas très étroitement associés !
Depuis plusieurs mois, une maturation s’opère dans RESF.

La régularisation de toutes et tous les sans-papiers était un des mots d’ordre de la manif parisienne du 31 mars qui a mobilisé près de 10 000 personnes. Ce slogan n’aurait pas été ainsi repris il y a un an. De même, RESF est en train de prendre la mesure du ciblage des ateliers de travail au noir par l’État. Cela signifie qu’il ne faut pas perdre l’occasion de faire le lien entre la lutte des élèves et de leurs familles et la lutte de toutes et tous les travailleurs sans papiers car il s’agit des même personnes.

Il est essentiel que les révolutionnaires invitent leurs syndicats à réagir, à informer les travailleur-se-s des rafles et de leurs enjeux (transformer la France en régime autoritaire pour tous et toutes les travailleur-se-s à terme), les appellent à être solidaires des sans-papiers. Expliquer que leur sort préfigure le projet de société du Medef et des partis qui lui sont liés. Désigner publiquement les vrais responsables de cette situation : l’État, le patronat, les partis du consensus gauche-droite, l’extrême droite. Expliquer que donner des droits et régulariser ces opprimé-e-s, c’est faire reculer le pouvoir patronal, c’est renforcer les droits collectifs de toutes et tous les travailleurs français et immigrés.

Les unions locales, départementales et régionales des syndicats de lutte en lien avec UCIJ et RESF pourraient jeter les bases d’un véritable Réseau des travailleur-se-s sans frontières (RTSF). Une formule que beaucoup d’esprits chagrins trouveront utopique, mais c’est précisément cette absence d’utopie qui fait que les gens finissent par croire que leur seule possibilité d’action se résume à choisir pour qui voter à la présidentielle !


Laurent Esquerre (Paris-Nord/Est)

 
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