Sri Lanka : Le peuple tamoul martyrisé




Pendant plus de vingt-cinq, la minorité tamoule a été victime du racisme de l’État sri lankais, et de l’emprise dictatoriale des Tigres de libération. La défaite finale des Tigres risque hélas de ne pas améliorer la situation de cette minorité discriminée. Explications.

Ces dernières semaines, le monde entier a assisté à l’agonie des Tigres de libération de l’Eelam tamoul. Assisté, ou plutôt entendu de lointains échos, tant le régime de Colombo a organisé le black-out médiatique autour de cette guerre atroce.

Plus de 10 000 civils sont morts en quatre mois dans les bombardements. À la mi-mai, il restait encore 150 000 personnes prises au piège dans la zone de guerre dite « de sécurité » encerclée par l’armée sri lankaise, et les Tigres s’en servaient réellement comme « boucliers humains », puisque chaque fois qu’ils battaient en retraite, ils obligeaient la population civile à les suivre.

La population tamoule a toujours eu un sentiment ambivalent à l’égard des Tigres. Certes, cette organisation combat le gouvernement raciste de Mahinda Rajapakse. Mais, du temps où elle contrôlait des territoires entiers sur l’île, elle imposait une dictature impitoyable. D’ailleurs, après cette défaite militaire, des groupes de Tigres poursuivront sans doute leur guérilla dans la forêt, mais leur impopularité rend peu probable une guérilla urbaine où, pour se cacher, la complicité des habitantes et des habitants est indispensable.

Discrimination ethnique

Comme dans d’autres régions du monde, l’actuelle discrimination ethnique au Sri Lanka a ses racines dans la période coloniale. Avant 1948, suivant la politique du « diviser pour mieux régner », l’occupant britannique a favorisé la minorité tamoule (hindouiste) au détriment de la majorité cinghalaise (bouddhiste). Après l’indépendance de l’île, les nationalistes cinghalais, arrivés au pouvoir, n’ont eu de cesse de le faire « payer » à la minorité tamoule, par une législation discriminatoire et humiliante. Ainsi de 1956 à 1977, le cinghalais a été la seule langue officielle, excluant de facto les Tamouls des postes de fonctionnaires. L’entrée à l’université a été soumise à des critères discriminants, et plusieurs organisations politiques tamoules ont été interdites.

Les revendications d’égalité des droits étant systématiquement réprimées, le racisme d’État a entraîné la naissance, en 1976, d’une organisation séparatiste : les Tigres, qui revendiquent la reconstitution de l’État tamoul indépendant qui existait sur l’île au XVIIIe siècle. Mais cette organisation a vite revendiqué le monopole de la représentation de la minorité tamoule, en éliminant physiquement tous les mouvements politiques et sociaux concurrents.

Le tournant s’est réellement effectué en 1986 quand la guérilla, formée de militantes et de militants, a voulu se transformer en armée nationale régulière, et a instauré la conscription forcée. Désormais, chaque famille tamoule, en plus d’être assujettie à l’impôt, a dû donner un de ses enfants comme soldat. Les Tamouls émigrés à l’étranger pour fuir l’enrôlement ne sont pas rares.

Camps de concentration

Jusqu’au mois dernier, la minorité tamoule avait été victime à la fois du gouvernement raciste de Mahinda Rajapakse, et de l’autoritarisme fanatique des Tigres. Mais la défaite militaire de ces derniers risque ne pas améliorer la situation et, déjà, on a pu constater que le gouvernement se livrait à une forme insidieuse d’épuration ethnique par l’incitation à émigrer. À titre d’exemple, les populations civiles évacuées des zones de guerre sont parquées dans des camps de concentration où règnent une famine et une misère extrêmes. Il n’est pas possible d’en sortir, à moins d’avoir un visa pour quitter le pays ! Si une personne a de la famille émigrée en Inde, en Occident ou ailleurs qui peut l’y aider, elle sortira du camp. Cela en dit long sur la mentalité du gouvernement – hélas aujourd’hui partagée par une bonne partie de la population cinghalaise – qui considère qu’une des solutions à la « question tamoule » est l’expulsion.

Camp de concentration dans le nord du Sri Lanka

Dans les zones « libérées » par l’armée, l’administration passe entre les mains de milices tamoules pro-gouvernementales (comme les TMVP, l’EPDP, le PLOTE ou le TELO), souvent formées de Tigres repentis qui mettent leurs méthodes au service de leur nouveau maître et terrorisent la population.

Le peuple tamoul est aujourd’hui seul et sans espoir en-dehors d’une pression politique des puissances étrangères sur le gouvernement sri lankais pour obtenir l’égalité des droits et la fin des discriminations.

Palani (Paris)

  • Palani est sri lankais. Il vit et travaille en France depuis neuf ans comme traducteur. Proche de la CNT, il a soutenu la grève de Frog Pub à Paris en 2003.
 
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