Suisse : « Paix du travail » ou guerre sociale ?




La faiblesse des conflits sociaux masque mal la violence avec laquelle le patronat helvétique s’attaque aux droits des travailleurs, avec la complicité de syndicats jaunes. Illustrations dans le rail et à la Poste.

En Suisse, la « paix du travail » existe depuis 1937. Elle est formalisée par des accords entre le patronat et les syndicats, par lesquels ceux-ci renoncent à la grève, en échange de la mise en place de conventions collectives ! Près d’un siècle plus tard, les grèves demeurent rares, les mouvements reconductibles sont exceptionnels. Les quelques syndicats indépendants qui existent (SUD Vaud, Syndicat autonome des postiers) et des équipes militantes oppositionnelles au sein des structures de l’Union syndicale suisse, offrent une alternative au syndicalisme institutionnel, mais le contexte rend leur développement difficile. La bureaucratie syndicale suisse continue à faire des ravages ; en témoignent deux récents accords, l’un dans les Chemins de fer fédéraux (CFF), l’autre à la Poste.

Le syndicat des cheminots suisses (SEV) vient de signer un accord qui est une véritable trahison des intérêts des travailleurs et travailleuses. Comme ailleurs, les patrons s’en mettent plein les poches, engraissent leurs amis et pleurent auprès du personnel car « les temps sont durs », « c’est la crise », « il n’y a plus d’argent »… Aux CFF, cela a pris la forme d’un chantage à l’avenir de la caisse de retraites. L’entreprise va verser 690 millions de francs suisses à la caisse (mais après tout ce n’est qu’une partie de ce qui est volé aux cheminots et cheminotes suisses depuis des années, à travers des salaires trop bas et une productivité toujours accrue).

Clause de sauvegarde du capital

En « échange », le syndicat a accepté le gel des salaires jusqu’en 2020, la suppression d’un jour de congé par an jusqu’en 2018, une diminution de la pension ! Comme les patrons n’en n’ont jamais assez, ils ont aussi obtenu une « clause de sauvegarde (!!!) » qui indique qu’en cas de « situation économique difficile », les dispositions contractuelles en matière de réglementation du travail seront suspendues !

Tout ça a été signé par le « syndicat » SEV, membre de l’Union syndicale suisse (USS), celui-là même qui lors de l’historique grève (victorieuse) de trente-trois jours des camarades de l’atelier de Bellinzona, en 2008, avait brillé par son inutilité, a contrario de l’outil syndical interprofessionnel local construit sur place et surtout de la section syndicale à la pratique démocratique et offensive exemplaire.
À la Poste, la nouvelle convention collective est aussi une catastrophe.

Le Syndicat autonome des postiers résume quelques uns des dégâts :

– Perte de soixante-huit jours de congés sur une carrière de vingt-cinq ans.

– Suppression de certaines pauses journalières.

– Disparition de l’augmentation automatique qui existait durant les douze premières années de service.

– Exclusion d’un nombre important de salarié-e-s hors de la convention collective.

– Flexibilité renforcée, les patrons pouvant diminuer le temps de travail de 20 %.

– Suppression du droit à réintégration en cas de licenciement jugé abusif (cela vise notamment les représentants du personnel qui, de fait, n’ont plus de protection).

– Disparation d’une allocation, blocage de certains salaires, inégalités de salaires entre services.

Le million et demi de francs suisses versé annuellement aux syndicats signataires de ce genre d’accord explique sans doute le choix du syndicat Syndicom (USS) !

Ces deux illustrations des ravages du fonctionnarisme syndical inciteront-elles les syndicalistes suisses à se coordonner, au-delà des attaches politiques éventuelles des uns et des autres, pour se débarrasser des pantins qui prétendent représenter les travailleurs et les travailleuses de ce pays et reconstruire un mouvement syndical s’inscrivant dans la lutte des classes ? C’est sans doute une des nécessités pour en finir avec cette pseudo-paix au service du patronat.

Christian (AL Transcom)

 
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