À Angers comme ailleurs : pour un antifascisme de terrain, unitaire et populaire




Point de vue des camarades d’AL présent.e.s à Angers pour la manifestation antifasciste du 22 Septembre dernier. « Il nous faut donc continuer à nous bâtir un antifascisme de terrain, unitaire et populaire. Assumons nos désaccords en termes de stratégie. Mais respectons-les pour que nos solidarités grandissent pour faire reculer l’extrême-droite. »


À Angers comme ailleurs : pour un antifascisme de terrain, unitaire et populaire

Nous sommes plusieurs militantes et militants d’Alternative libertaire à avoir pris part à la manifestation antifasciste d’Angers le 22 septembre dernier. Cette manifestation, organisée par le RAAF (le Réseau angevin antifasciste) [1] dans le cadre du festival local « À l’Ouest mais toujours antifascistes » [2], avait été annoncée comme festive et familiale. Ajoutons que le contexte de l’antifascisme à Angers est particulièrement compliqué, car un bar/local fasciste, L’Alvarium, a ouvert il y a quelques mois.

Une première manifestation avait d’ailleurs été appelée par le RAAF le 24 février dernier. Avec le festival, il s’agissait de continuer à ancrer le combat antifasciste au sein de la population, dans une optique d’élargissement de celui-ci.

La manifestation du 22 septembre avait été discutée en amont avec des groupes venus d’autres villes, et tout le monde semblait d’accord pour que les actions les plus visiblement violentes, si elles devaient avoir lieu, se tiennent après la dissolution de la manifestation déposée. Le mouvement social angevin n’est en effet pas habitué aux démonstrations diverses qui ponctuent désormais beaucoup de défilés dans certaines grandes villes – bris de vitrine de banques ou d’autres enseignes du même acabit, ou encore départ de feu dans ce genre de commerces.

Cependant, à peine dix minutes après le départ de la manif, les casses de vitrines commencent. Elles ont ponctué tout le parcours. À la dispersion, certains groupes ont voulu continuer en direction de L’Alvarium, malgré une forte présence policière. Des camarades se sont retrouvé-es en garde à vue et nous ne pouvons que souhaiter qu’aucunes poursuites ne soient engagées à leur encontre.

Le RAAF a annulé la soirée de débats et de concert prévue le soir-même pour clôturer le festival. Cette soirée devait avoir lieu à l’Etincelle, lieu autogéré. Il est apparu au RAAF que la sécurité de la soirée ne serait pas assurée. En effet, les flics d’Angers ne sont pas habitués à de telles démonstrations dans le centre-ville, et une descente de police au local était probable. Vérifications d’identité et intimidations étaient à prévoir, ce qui aurait mis en danger les personnes présentes, au premier rang desquelles les organisateurs et les organisatrices.

Savoir d’où l’on agit

Ces événements ont posé problèmes aux militantes et militants d’Alternative libertaire présent-es ce jour-là. Il est évident que chacun et chacune, dans la lutte contre l’extrême-droite, doit pouvoir s’approprier les événements organisés. Mais ceci ne peut se faire au mépris de la réalité locale propre à chaque ville, et encore moins au mépris de ce que les militant-es local-es mettent des années à construire. Car les militant-es qui ont cassé des vitrines de banque du centre-ville d’Angers ne sont pas celles et ceux qui tiennent l’Etincelle depuis 21 ans.

Or l’Etincelle court un risque accru de répression suite à cette manif. Car les militant-es qui ont cassé des vitrines de banque du centre-ville d’Angers ne sont pas les organisateurs et les organisatrices du festival. Or, ils et elles courent un risque accru de fichage et de répression de la part des flics.

Celles et ceux qui ont fait le choix de casser des vitrines de banque du centre-ville d’Angers ne sont pas celles et ceux qui essayent de construire un antifascisme angevin de terrain, de rue, ancré dans le tissu social. Or, cette construction risque d’être menacée par de telles actions d’éclats.

Quand on se déplace dans une ville que l’on connait mal, il nous semble élémentaire de respecter le travail de celles et ceux qui y militent au quotidien. Ce sont elles et eux qui connaissent la réalité de la ville et de la région. Leur faire confiance et assurer leur sécurité – y compris une fois qu’on a quitté la ville – est une condition indispensable à une coordination de l’action antifasciste en bonne intelligence entre collectifs de différentes villes. Ce qui ne peut être que souhaitable.

Nous ajouterons même que cela devrait relever d’une éthique militante élémentaire.

Respecter les cadres collectifs

Mais il n’y a pas que ça. Le mépris des décisions collectives est ce que nous trouvons de plus dommageable, car cela casse les solidarités que nous voulons construire, que nous devons construire dans notre combat commun face à l’extrême-droite. Militer est affaire de collectif, et donc de recherche de consensus. L’existence d’une manif déposée, festive et familiale, et éventuellement d’une deuxième manif ensuite plus musclée pouvait être une façon de résoudre les contradictions travaillant certains groupes militants. Ainsi, les colères pouvaient s’exprimer de différentes manières, en différents lieux, car la diversité des tactiques entraîne la diversité des lieux. Encore une fois, ces événements risquent de briser des confiances et des solidarités, et nous ne pouvons pas nous permettre cela dans cette période de montée de l’extrême-droite, des mouvements fascistes comme des idées d’extrême-droite chez la quasi-totalité des politiciens professionnels et jusque dans les politiques gouvernementales, notamment celles visant les migrant-es et réfugié-es et leurs soutiens.

Défendons un antifascisme pluriel

Nous pensons qu’il est normal que des colères vives s’expriment contre l’extrême-droite. « Casser », cela peut représenter un geste de colère. D’autres s’exprimeront différemment. Mais quand on en arrive aux stratégies révolutionnaires, réfléchies et assumées, il faut avoir un réel débat de fond. Notre antifascisme est ancré dans le mouvement social. C’est un antifascisme de classe, antiraciste et antisexiste, qui veut appuyer et promouvoir des solidarités de classe. C’est pourquoi nous pensons qu’il passe nécessairement par la construction de structures locales et nationales à même de rassembler largement. C’est le cas des syndicats que nous construisons, des associations que nous renforçons sur divers fronts.

Mais notre antifascisme est aussi un front de lutte à part entière. Les mobilisations spécifiques sont indispensables, comme celles démontrant la violence des militants néo-nazis qui ont tué Clément Méric en 2013, ou celles exigeants la fermeture de l’Alvarium à Angers. En effet, faire fermer les lieux où se réunissent les fachos, c’est chercher à réduire leur capacité à s’organiser et à se développer. Démolir les discours d’amalgame, du type « les fascistes et les antifascistes sont violents de la même manière », c’est souligner que les uns se battent pour une idéologie de mort et d’oppressions, quand les autres veulent la liberté, l’égalité et la justice sociale.

Il nous faut donc continuer à nous bâtir un antifascisme de terrain, unitaire et populaire. Assumons nos désaccords en termes de stratégie. Mais respectons-les pour que nos solidarités grandissent pour faire reculer l’extrême-droite.

Des militantes et militants d’AL d’Angers, Montreuil, Nantes, Orléans, Rennes, Saint-Denis

[1Le site du RAAF : raaf.noblogs.org. Son compte twitter : @raaf_angers.

[2Le Festival s’est déroulé du 7 au 22 septembre, la manifestation venant clôturer une semaine de débats et de conférences antifascistes.

 
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