A Contre Courant : la jungle constitutionnalisée !?




Chaque mois, le mensuel Alternative libertaire reproduit l’édito de la revue alsacienne À Contre Courant, qui de son côté reproduit l’édito d’AL. Pour contacter ces camarades : ACC, BP 2123, 68060 Mulhouse Cedex.


Au cours de cet été les forces du Capital ont encore gagné des batailles sur le terrain de la durée du travail. Soutenu par les gouvernements, le patronat est résolu à utiliser toutes les armes : blocage puis baisse des salaires directs, intensification de la productivité, diminution voire abolition du salaire indirect que les escrocs libéraux qualifient de « charges » patronales. Ils agissent actuellement sur l’augmentation hebdomadaire du temps de travail, après avoir modifié la durée annuelle et après avoir pesé lourdement sur la durée de carrière par le biais de la régression sur les retraites. Bref, l’exploitation extensive est une arme à nouveau massivement utilisée pour valoriser le capital.

Des félicitations de Schröder qui salue « l’accord de raison » de Daimler aux vociférations unanimes de la droite contre les 35 heures, tous les gouvernements sont complices de la mise en œuvre de la politique de démantèlement des droits sociaux définie au niveau communautaire, pour n’évoquer que ce niveau.

Dès lors, aucune des dénonciations officielles de ce « chantage à l’emploi », aucune indignation devant ce « recours aux pleins pouvoirs antisociaux », aucune stigmatisation de ce « droit de mettre au chômage » n’est crédible aussi longtemps que tous s’échinent à la mise en œuvre du cadre règlementaire qui autorise et encourage un tel arbitraire : la prétendue « Union » européenne. Une « Union » qui unifie à 48 heures la durée du travail et à 65 ans les retraites ! Une « Union » qui presse les entreprises « de tirer parti des atouts compétitifs des nouveaux États » (en clair : elle leur suggère de délocaliser) et leur promet « d’améliorer le cadre règlementaire pour limiter [leurs] obligations » (communiqué du 20 avril de la Commission) ! Une « Union » qui s’apprête à légaliser, via la directive Bolkestein, la mise en place des « pavillons de complaisance » pour les services publics ! Une « Union » donc, qui, loin de rapprocher les peuples, organise leur désunion et prétend désormais constitutionnaliser le principe qui la fonde : la concurrence sauvage entre les travailleurs.

« Non au chantage aux délocalisations ! » « Non à la jungle sociale ! » s’écrièrent hypocrites quelques politiciens. Qu’ils tirent alors les conséquences de leur indignation : le rejet d’un texte qui constitutionnalise la jungle libérale en Europe.

À l’occasion de la création de la Première Internationale en 1864, Marx constatait dans son adresse inaugurale qu’il n’y avait pas eu, après l’échec des révolutions de 1848, de solidarité d’action entre les travailleurs d’Europe, mais uniquement une « solidarité de défaite ». La concomitance de l’offensive contre les 35 heures à Vénissieux et Sindelfingen est le dernier en date des exemples de cette « solidarité de défaite » qui marque depuis 30 ans le salariat européen.

Or il ne semble pas déraisonnable d’espérer que la campagne contre cette constitutionnalisation des pleins pouvoirs permanents au Capital puisse finalement être un pas en direction d’une « solidarité de victoire ». Ce pourrait même être un grand pas si, de cette campagne pour le non, pouvait naitre une dynamique de résistance sur l’ensemble des 25 pays membres ; et si, alors, les peuples exploités se CONSTITUAIENT en UN peuple des exploités autour de luttes revendicatives essentielles. À la réécriture de l’internationalisme version jungle libérale, un soulèvement populaire pourrait alors opposer la CONSTITUTION d’une plate-forme où les richesses créées iraient à ceux qui les créent.

Reste à savoir quelle est la probabilité d’un tel scénario... Nulle, si on ne tente rien !

 
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