1954 : L’insurrection algérienne de la « Toussaint rouge »




Il y a 50 ans éclatait l’insurrection algérienne, prélude de la guerre de libération nationale qui aboutit en 1962 à la décolonisation de l’Algérie.

Plus d’un siècle et demi avant, en 1794, la Révolution française est menacée de l’intérieur et sur ses frontières. Les réserves s’épuisent et aucun État ne veut vendre de grain à la France hormis le dey d’Alger. Deux ans plus tard, les finances de la France sont au plus bas et de nouveau, le dey va prêter au Directoire, un million sans intérêts pour l’achat de blé. Par le biais d’intermédiaires, la France achète alors pour 7 millions de blé. 31 ans plus tard le dey n’a toujours pas récupéré le premier million.

Plus grave encore, le dey apprend que la France vient de fortifier un bâtiment destiné au commerce sur la côte algérienne. Il demande des explications au gouvernement ; ses lettres restent sans réponse. Il convoque le Consul de France. Le ton monte, le dey donne un coup de chasse-mouche au consul... La France tient son prétexte. Nous sommes en 1830, la première guerre d’Algérie commence et durera 40 années durant lesquelles des villages seront incendiés, des tribus entières asphyxiées dans des grottes, des hommes et des enfants massacrés, les femmes parfois épargnées pour être vendues. Le bétail et les terres seront récupérés par l’armée pour être redistribuées aux colons.

Le point de non-retour

Pendant près d’un siècle le peuple algérien subit mais ne se résigne pas. Longtemps il a espéré une intégration, ou du moins l’égalité. Les anciens combattants de la Grande guerre n’ont toujours pas les mêmes droits que leurs frères de tranchée de métropole ni la même reconnaissance. Quand il faut se battre pour délivrer la « mère-patrie » du joug nazi, ils sont encore là sur les côtes italiennes, au Monte Cassino et au delà de la frontière du Rhin.

Ceux qui en réchappent, encore tout auréolés de gloire, vont apprendre en rentrant au pays ce qui s’est passé à Sétif le jour de la victoire du 8 mai 1945. Les médailles se ternissent et les poings se serrent. Parmi ces soldats, il y a l’adjudant Ben Bella, le sergent Ouamrane, l’adjudant Boudiaf et bien d’autres qui, petit à petit, se font à l’idée que seule une lutte armée, émancipera le peuple algérien.

La colère couve

Depuis le massacre de Sétif, les choses semblaient rentrer dans l’ordre. La France se relève de la guerre. L’Algérie traditionnelle et rurale fournit des milliers de travailleurs pour l’industrie métropolitaine. Ce prolétariat de plus en plus important est organisé dans les syndicats mais surtout politisé autour de Messali Hadj, chef charismatique d’un mouvement ouvrier et indépendantiste depuis le milieu des années 1920.

À l’aube de l’insurrection, le vieux dirigeant va laisser passer sa chance historique. Il ne prendra pas au sérieux les informations concernant la date et la mesure du projet. Il est vrai qu’ils ne sont, fin juillet 1954, que 22 jeunes activistes regroupés au sein du Comité révolutionnaire d’unité et d’action (CRUA) à prendre la décision de déclencher une action nationale pour le courant de l’automne et à proclamer le Front de libération nationale.

L’étincelle

Après avoir été repoussée une fois, la date du déclenchement est décidée pour le jour de la Toussaint. À minuit dans cinq zones de l’Algérie, des fermes sont incendiées, des casernes attaquées, des colons tués. Des attentats visent des centres énergétiques et industriels. L’ensemble de la communauté des Français d’Algérie est frappé de stupeur par la multiplication coordonnée des attaques. Le gouvernement, l’armée, les colons, les fonctionnaires, le petit peuple, tout ce système colonial ne peut imaginer que la deuxième guerre d’Algérie vient de commencer. Elle durera huit ans au cours desquelles la France écrira ses pages d’histoire parmi les plus sombres.

Les communistes libertaires

La Fédération communiste libertaire (FCL) créée en 1953 va soutenir activement les luttes anti-colonialistes au côté des indépendantistes de tout l’empire. Chaque numéro du Libertaire foisonne d’articles dénonçant les méfaits de la France en Indochine et appelle au sabotage et à la désertion. Les lecteurs sont régulièrement informés de l’évolution de la situation au Maroc et en Tunisie.

Depuis 1951 le Mouvement libertaire nord-africain (MLNA) tente d’organiser les travailleurs sur place et est une source d’information importante permettant plus tard à la FCL d’être parmi les tous premiers à dénoncer la torture.

Tout naturellement lorsque les militants de la FCL apprennent le déclenchement de l’insurrection, ils se mobilisent immédiatement. Les saisies, amendes, procès vont bientôt faire partie du quotidien. Un de ses militants, Pierre Morain, sera le premier prisonnier politique français de la guerre d’Algérie.

René Jacques Defois

 
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