Ali Ourak (syndicaliste à Téléperformance) : «  La victoire nous a permis d’être respectés  »




Téléperformance est une entreprise française implantée dans plusieurs pays. Les salariés de Tunisie y ont mené une lutte longue et victorieuse, marquée par leur action directe et une pratique syndicale internationaliste concrète. Nous avons demandé à Ali Ourak, secrétaire général du syndicat de base Téléperformance UGTT de Ben Arous de nous raconter ce mouvement.

La multinationale française Téléperformance est implantée depuis quelques années en Tunisie. Peux-tu présenter un peu cette entreprise dans laquelle tu travailles ?

Téléperformance est installée en Tunisie depuis l’année 2001, c’est le leader des centres d’appels dans le pays, avec 5400 salariés sur des sites différents dans les régions de Ben Arous, Tunis et Sousse. Le travail syndical a commencé en 2007 et actuellement y a trois syndicats de base  : dans chacune des régions de Tunis, Ben Arous et Sousse.

Vous avez connu un printemps 2013 assez agité puisque vous vous êtes «  séquestrés  » à l’intérieur des locaux de la direction pendant presque deux mois et avez fait une grève de la faim. Tu peux nous expliquer le déroulement de votre lutte ainsi que vos revendications ?

Le 26 février, la direction générale de l’entreprise en Tunisie a décidé de licencier cinq salariés sans aucune preuve des accusations portées à leur encontre. Suite à ça les représentants des salariés au conseil de discipline et le syndicat de base UGTT ont choisi d’entrer en sit-in, c’est-à-dire d’occuper les locaux. Puis, il y a eu une grève de la faim pendant neuf jours et ensuite une grève de la faim sur tous les sites à tour de rôle pour arriver à une grève de trois jours du 1er au 3 avril.
Avant cette grève, durant le FSM, un meeting international s’est tenu en coordination avec les syndicats SUD et CGT, devant le siège de l’entreprise pour mettre de la pression sur la direction du groupe. Nos principales revendications étaient  : l’annulation des décisions prises par le conseil de discipline du 26 février 2013 l’amélioration des classifications professionnelles, l’augmentation salariale 2013 et l’application des anciens accords (prime ramadan, fond social, comité de planification …).

Les salariés vous ont soutenu ?

Le soutien des salariés s’est manifesté avec les grèves de la faim, par la participation assez remarquable le 26 mars au meeting-manifestation international et par un taux de participation à la grève d’avril qui a dépassé les 80% sur certains sites ( Ben Arous, Charguia 2, etc.). Lors de notre reprise, une réception a été organisée par les salariés  ! Vraiment, le soutien, en fait la participation, durant les cinquante jours de ce mouvement ont été importants.

Le fait que la direction ait abdiqué au bout de tant de semaines rend votre victoire plus belle ? 

Certes, le fait que le combat a duré aussi longtemps et que nous ayons obtenu gain de cause, grandit notre victoire  ; ça nous a couté beaucoup de temps et d’efforts, mais finalement la victoire des salariés est importante et plus forte que lors de tous les combats menés auparavant.

Cela a changé quelque chose dans le rapport avec l’encadrement dans la vie de tous les jours ?

L’encadrement était toujours du côté de la direction de l’entreprise mais une partie des agents de maitrise, plus proches du terrain, a toujours soutenu nos luttes et nos revendications, car ce sont aussi leurs revendications.

Après la signature de l’accord et notre victoire, même la ligne managériale proche de la direction a changé de comportement. Tout n’est pas résolu bien entendu, mais la dynamique collective créée par la lutte, la force et la détermination dont nous avons fait preuve, nos relais internationaux et le fait que nous ayons fait reculer la direction, amènent à plus de respect vis-à-vis de nous dans la vie quotidienne.

Propos recueillis par un militant du syndicat SUD des centres d’appel

 
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