Allemagne : Forêt contre charbon




Une des luttes qui fait l’actualité écologique en Allemagne est celle de la forêt de Hambach : de l’action directe au lobbying, l’enjeu est de protéger une forêt millénaire menacée par l’extension d’un mine à charbon.

Depuis 2012, un groupe d’activistes se réclamant pour la plupart de l’anarchisme s’acharne à occuper la forêt d’Hambach, en confrontation avec les autorités et RWE, un des groupes majeurs de l’énergie en Allemagne, qui en est officiellement propriétaire.

Dans un bassin minier, entre Aix-la-Chapelle et Cologne, le défi est de sauver 1 000 hectares de forêt de l’extraction de lignite, ou charbon brun, considéré comme un des pires combustibles fossiles. « Hambi », surnom donné à cet espace vieux de plusieurs milliers d’années par les militants, était au départ 9 fois plus grand.

Spirale de la répression

Les opérations de police sont régulières et brutales, coordonnées par la sécurité privée de RWE et les forces publiques elles peuvent mobiliser plusieurs centaines d’agents et agentes. Le but est d’empêcher l’installation ­d’une véritable zone à défendre en détruisant régulièrement les cabanes et infrastructures dans une escalade de la violence contraire aux déclarations de bonnes intentions.

L’intimidation et la confiscation de portables et d’ordinateurs sont courantes. Au total plus de 200 procédures d’enquête ont été soutenues par RWE sur la base le plus souvent de fausses accusations. RWE aménage, dans la foulée des opérations coup de poing, des voies d’accès pour les engins de déforestation et les patrouilles comme en mars dernier.

Dotée d’engins surdimen­sionnés, l’exploitation se fait 24h/24 jusqu’à 450 mètres de profondeur et jusqu’à 3 millions de mètres cubes de terre manœuvrés par jour, créant une zone de catastrophe durable. Plus d’un million d’arbres de ce qui était à l’origine une zone naturelle protégée ont été détruits ; des terres agricoles et des écosystèmes de valeur ont disparu dans la zone d’exploitation d’environ 170 kilomètres carrés, la plus grande mine à ciel ouvert en Europe de l’Ouest. Près de 40 000 personnes ont été expulsées – ou « déplacées » selon le point de vue.

Le minerai sert à alimenter les centrales thermiques de la compagnie, fortes émettrices de CO2, d’arsenic, d’oxyde d’azote et de mercure. À cela il faut ajouter les émissions radioactives présentes pendant l’extraction et la combustion du lignite, ce qui fait des centrales à charbon les plus grandes sources de pollution radioactive après les centrales nucléaires.

Les zones d’habitation en périphérie sont confrontées à des taux de radioactivité au-dessus des seuils déclarés tolérables, plus exposées aux maladies provoquées par les particules fines et subissent également des affaissements de sol causés par le pompage de l’eau qui ne doit pas atteindre les mines. L’assèchement des nappes phréatiques condamne à mort des biotopes environnants et les réserves souterraines subissent la pollution par des métaux lourds libérés lors de l’extraction.

Contre RWE et son monde

Si la justice autorise la déforestation, la lutte ne cesse pas malgré le potentat RWE. Lieu de résistance concret, Hambach est également un point d’appui pour les campagnes d’un large mouvement sur le climat. Il réunit à la fois les techniques de blocage et de manifestation issues du mouvement antinucléaire, des actions directes et aussi un lobbying plus institutionnel réclamant la fin progressive des centrales à charbon, une option politique voulue raisonnable et soutenue par Greenpeace à l’encontre de la revendication d’un arrêt immédiat de la filière.

Cette même organisation déclare que les 9 centrales à charbon brun allemandes causent la mort d’au moins 1800 personnes par an. Pour la partie la plus radicale du mouvement, seul l’arrêt sans transition permettra de sauver ce qui peut encore l’être – et cela comprend les générations actuelles victimes du charbon – sans entrer dans des négociations à moyens termes habilement récupérées par les grandes sociétés.

Fred (AL Alsace)

 
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