Aveyron : Allez vous faire soigner ailleurs !




À Saint-Affrique dans l’Aveyron, l’existence de l’hôpital est remise en cause. À plusieurs reprises, la population s’est unie aux salarié-e-s pour défendre leur accès à la santé. Loin d’être un cas isolé, cette lutte est emblématique, mais aussi représentative du détricotage actuel des hôpitaux de proximité.

Le 30 juillet, plus de 1 000 des 8 000 habitant-e-s de Saint-Affrique, ville du Sud Aveyron, ont participé à la réunion organisée par le Comité de défense de l’hôpital Emile Borel contre les menaces de fermeture de l’établissement. Les personnels et la population locale ont déjà repoussé à deux reprises une telle issue depuis 2003. Il a fallu occuper deux fois le viaduc [1] de Millau et mobiliser jusqu’à 5 000 personnes lors d’une journée ville morte pour stopper la fusion du service de chirurgie saint-affricain avec celui de Millau.

"Calomignies" parisiennes

Cette fois, l’attaque est venue d’un article du Parisien [2] qui s’alarme entre autres d’un nombre prétendument élevé de décès à la suite d’opérations. La journaliste omet de préciser que ces décès, non seulement ne sont pas survenus à l’hôpital suite à une opération mais concernaient des patients atteint-e-s de cancers et autres maladies en phase terminale (comme dans les grands CHU). Enfin, cet article est publié dans un contexte marqué par la volonté gouvernementale de réduire le nombre des 121 hôpitaux de proximité et par la montée en puissance du plan « Hôpital 2007 » (tarification à l’acte, libéralisation de la santé…) : la mort de l’hôpital public en France.

Ce qui se joue, c’est l’avenir de la santé en milieu rural, mais aussi en banlieue. Les hôpitaux de Perthuis et de Quimperlé sacrifiés sur l’autel de la rentabilité en savent quelque chose. Et ce n’est donc pas un hasard si les défenseurs de l’hôpital de Saint-Affrique se retrouvent à l’animation de la Coordination nationale de défense des hôpitaux et maternité de proximité à laquelle adhérent une soixantaine de sites à ce jour.

Deux conceptions sont aux prises : d’une part une conception égalitaire qui passe par un maillage de service publics sur tout le territoire, d’autre part une médecine reposant sur l’existence de pôles basés sur un partenariat public-privé qui constituent une étape vers la privatisation totale de la santé.

Une lutte emblématique

Pour l’instant, le ministère n’a pas suivi les conclusions des experts favorables à la fermeture du service de chirurgie viscérale. Si le service de chirurgie devait fermer, les autres services risqueraient de suivre la même voie. Dans ce cas, tous et toutes les patients saint-affricains devraient se rendre à Millau, également menacé à terme. Il y a quelques années, c’est cette même politique privilégiant les pôles de compétitivité dans les grandes métropoles qui a coûté à Millau son train de nuit (Paris-Millau) par décision de la SNCF afin de favoriser la ligne TGV Paris-Montpellier. C’est dire que les habitant-e-s du sud Aveyron devront à terme s’« arranger » entre l’hôpital de Rodez… et le privé qui aura tôt fait de prendre la relève de ce qui lui semblera rentable.

La mobilisation actuelle est révélatrice d’une crise de légitimité de la politique dans la mesure où une majorité d’électeurs et d’électrices du Sud Aveyron, bien qu’hostiles à la fermeture de leur hôpital, ont voté Sarkozy qui s’est prononcé clairement en faveur du rétrécissement des compétences des hôpitaux de proximité en matière de chirurgie.

Cette lutte n’est pas clochemerlesque, elle témoigne plutôt de résistances contre le rouleau compresseur libéral et est riche d’enseignements pour celles et ceux qui se battent en faveur de l’emploi et des services publics.

Laurent Esquerre (AL Paris Nord)

[11. Une journée de fonctionnement du viaduc équivaut au déficit annuel de l’hôpital de Saint-Affrique. Cherchez l’erreur.

[22. Odile Plichon, « Décès en série à l’hôpital de Saint Affrique », Le Parisien, 19 juillet 2007

 
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