CESEDA : Des lois pour tuer des droits




Avec les lois CESEDA, qui doivent être examinées par le parlement début mai, et la circulaire du 21 février 2006, qui donne à la police des moyens et des pouvoirs exorbitants pour mener la chasse aux étranger(e)s sans papiers, la France franchit un nouveau seuil dans la violation des droits humains.

L’ensemble des textes gouvernementaux trouve pleinement leur place dans un projet de société de plus en plus tourné vers un ordre sécuritaire, vers une société où le/la travailleur(se) doit courber toujours plus l’échine devant son patron.

La nouvelle réforme dite CESEDA (Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, conduit à une négation radicale des droits fondamentaux de la personne ; elle veut restreindre encore plus le droit au séjour pour les familles, les conjoints, les enfants, de toutes celles et de tous ceux qui construisent leur vie en France. Elle entérine la quasi disparition de cet outil « d’intégration » qu’était la carte de résident. Elle s’attaque au séjour des malades étranger(e)s.

L’ensemble des dispositions relatives à l’entrée et au séjour des étranger(e)s est régi par une loi de police de 1945 qui, depuis, a été maintes fois modifiée. Cette ordonnance avait pour vocation d’entraîner et d’organiser la venue des travailleur(se)s des anciennes colonies.

La première rupture s’est faite en 1981. La carte de séjour n’était plus forcément liée au permis de travail, le droit d’accès à la protection sociale se rapprochait de celui des travailleur(se)s nationaux/les.

Les lois dites Pasqua de 1986 et 1993, non seulement créèrent les catégories de sans-papiers que nous connaissons, mais retirèrent le droit de travailler aux demandeur(se)s d’asiles. Les lois Chevènement de 1998, puis Sarkozy de 2003 ont voulu, dans leur rédaction, redonner de la stabilité aux sans-papiers. En pratique, elles n’ont fait qu’aggraver la situation, en posant de telles conditions à l’entrée et au séjour qu’il devient quasi impossible de régulariser sa situation.

Le projet de loi CESEDA introduit des notions nouvelles et réduit les étranger(e)s à une force de travail, sans référence à une quelconque situation familiale ou privée.

Aujourd’hui l’affichage volontariste du gouvernement en matière de cohésion sociale avec le contrat d’accueil et d’intégration (CAI), le comité interministériel à l’intégration (CII), la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde),... est contredit par la poursuite d’une politique de restriction budgétaire.

Les discours « généreux » de nos gouvernants, toujours accompagnés d’une volonté de recherche d’efficience : il faut arrêter de saupoudrer, il faut aller à l’essentiel, etc., servent aujourd’hui à masquer les réductions - imposées par le gouvernement et le Medef - des subventions apportées, notamment par le FASILD, aux structures populaires jugées non rentables et subversives.

Une circulaire scélérate

Le recours aux étranger(e)s utiles pour l’économie française avec le blocage de toutes arrivées, s’accompagne d’une véritable traque systématisée par une circulaire du 21 février 2006. Sarkozy et Clément organisent ainsi la recherche des étranger(e)s en situation irrégulière, en se donant les moyens d’arrêter les sans-papiers dans les lieux publics. Les policiers pourront coffrer ces derniers aussi bien dans les files d’attentes des préfectures que dans les blocs opératoires.

Les milles et une recettes de cette chasse sont énumérées au fil de ce guide méticuleux pour lequel le respect de la loi est réduit au respect des formes. Elles préviennent ainsi le magistrat du parquet des embûches qui l’attendent dans la mission qui lui est solennellement assignée, celle de prévenir toute erreur de procédure, susceptible de laisser échapper la cible.

Le ministre de l’Intérieur qui se targue d’être l’abolitionniste de la double peine, prône la généralisation du prononcé de peines d’interdiction du territoire français.

Cette circulaire recense les types de lieux ou peuvent s’opérer les arrestations d’étranger(e)s sans papiers. Celles que les policiers doivent effectuer sur la voie publique sont décrites comme les plus faciles.

Une méthodologie de l’arrestation à domicile avec présence ou pas est décrite dans les détails. Les mariages (dont une loi spécifique en mars 2006 rend plus difficile les possibilités) sont également visés. Les policiers peuvent ainsi arrêter au domicile de futurs époux ou épouses avant le passage devant le maire, comme cela s’est produit à Bordeaux en mars dernier.

Collaboration ou résistance

On a pu voir ces deux derniers mois que les arrestations dans les administrations, surtout les préfectures mais aussi dans des banques deviennent une pratique banale. C’est pourquoi il est urgent de ne pas laisser les sans-papiers seuls. Car la collaboration entre les entreprises, les administrations et la police s’organisent. Avant le 10 avril, les procureurs doivent réunir les gestionnaires des foyers ou lieux d’accueils des immigré(e)s afin de fixer les modalités d’application de cette circulaire.

Un gendarme, sur papier à en-tête du ministère de la Défense, de la compagnie de gendarmerie La Tour du Pin, a écrit le 8 mars 2006 aux maires des communes dans la région Rhône-Alpes : « Je vous prie de bien vouloir nous faire parvenir par courrier ou fax la liste détaillée des étrangers, résidents sur votre commune. Dans cette optique nous souhaiterions être destinataire du cadre administratif de leur séjour (carte de résident...) ». Suite aux protestations de plusieurs organisations, sa hiérarchie a fait savoir qu’il s’agissait d’une initiative locale et que ledit gendarme serait sanctionné.

À Pantin, un policier du commissariat de cette ville, a demandé à la proviseure d’un des deux lycées professionnels de cette ville de lui communiquer la liste de tous les élèves sans-papiers de l’établissement. Heureusement cette dernière a refusé de lui donner satisfaction sur ce point.

Le problème est que ces initiatives locales sont de plus en plus nombreuses et que si elles vont plus loin que ladite circulaire scélérate, elles ne sont pas en contradiction avec son esprit.

Les caisses primaires d’assurance maladie viennent de refuser d’ouvrir ou de renouveler la complémentaire couverture maladie universelle (CMU) pour les étranger(e)s gravement malades. Ces consignes sont données par une circulaire dans une lettre-réseau du 27 février 2006 dite point AME/CMU n°66.

Dans les collectifs du Réseau éducation sans frontières (RESF), on voit aussi une tactique qui semble se développer ; l’éloignement dans d’autres régions des familles pour réduire la solidarité. Une famille roumaine de Décines (près de Lyon), entrée en France après être passé par la Suède a été envoyée à Coquelles (près de Calais) pour être ensuite expulsée vers la Suède. Notre magnanime Sarkozy avait pourtant bien dit : pas de problème pour que les élèves puissent poursuivre leurs études jusqu’en juin sans qu’eux/elles et leur familles ne soient inquiété(e)s d’ici là.

Le CPE, c’est la précarité du travail des jeunes. Le CNE, c’est la précarité des travailleurs des petites et moyennes entreprises (pour l’instant). Le contrat senior, c’est la précarité du travail des plus âgé(e)s... Le CESEDA c’est la précarité des études, du travail et de la vie des étranger(e)s !

Les circulaires, c’est la mise en pratique d’une idéologie d’un autre temps au service du capitalisme. C’est dans ce contexte que se développe la campagne Unis contre l’immigration jetable.

Après le rasssemblement-concert organisé le 2 avril à Paris, une manifestation avec montée nationale se tiendra début mai toujours à Paris.

Les informations seront disponibles sur le site de cette campagne très prochainement.

Les collectifs de sans-papiers et certaines associations partie prenante de cette campagne s’efforcent également d’alerter l’opinion par des actions d’occupation.

Cela n’est pas forcément évident dans un contexte marqué par une campagne anti-CPE qui ne fait pas suffisamment le lien entre le recours à une immigration jetable et une précarisation qui vise à englober pratiquement tout le salariat, français ou immigré. Actuellement, ce sont plutôt les antiracistes et les immigré(e)s états-unien(ne)s qui, par leur mobilisation de masse contre le projet de loi de restriction de l’immigration, nous donnent envie de les imiter.

Noël (AL Paris-Nord-Est)

 
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